Spectacle du tg STAN d''après des textes de Jon Fosse et Marius von Mayenburg conçu et interprété par Jolente De Keersmaeker, Els Dottermans, Damiaan De Schrijver et Frank Vercruyssen.

En amuse-bouche, les quatre comédiens du Collectif tg STAN, s'échauffent les cordes vocales avec un petit impromptu du dramaturge norvégien Jon Fosse, "Dors, mon petit enfant". Quel rapport avec "Pièce en plastique" de Marius von Mayenburg, plat de résistance de "Quoi/Maintenant" ?

On ne pourra émettre que des hypothèses : sans doute, les deux textes ont en commun le plaisir des morts, des situations cruellement absurdes et l'envie de chatouiller le conformisme de la pensée bobo dominante aujourd'hui...

Car, à l'inverse de Patrice Bigel qui l'année dernière à l' "Usine Hollander" avait donné une vision "littérale" de "Pièce en plastique", les tg STAN n'y ont pas vu une critique sociale radicale et pertinente, mais y ont pioché de quoi façonner une "farce bobo" où sont moqués des travers d'une certaine néo-bourgeoisie "de gauche" qui se veut progressiste mais est aussi obtus et caricaturale que la bourgeoisie traditionnelle.

Ici, seront pourfendus gentiment et sans avoir besoin de créer un climat angoissant et un final gore, les artistes post-modernes qui transforment un frigo vide en une installation dénonçant le consumérisme, les maîtresses de maison qui veulent être tutoyées par leur femme de ménage et dans le même temps n'hésitent pas à dire qu'elle "pue », les médecins qui se fantasment héros modernes en jouant les humanitaires velléitaires...

Le quatuor tg STAN considère "Pièce en plastique" comme une comédie cruelle plus cynique que sociale. Pour en faire vraiment une pochade, ils ont eu l'idée que l'artiste grotesque Haubana, sorte d'Orson Welles de la performance, et le fils du couple Ulrike (Els Dottermans) et Michael (Frank Vercruyssen) seraient interprétés par le truculent barbu du groupe, Damiann De Schrijever.

Evidemment, quand il devient le jeune garçon qui découvre sa sexualité ou qu'il cherche le réconfort de la bonne Jessica (Jolente De Keersmaeker), l'effet comique est assuré.

Dès lors, on en revient à ce qu'on disait de Marius von Mayenburg, après avoir vu "Le Moche" ou la version de Patrice Bigel de "Pièce en plastique" : si l'on ne charge pas la barque à la manière des tg STAN, et qu'on sache le faire avec subtilité, le dramaturge allemand paraît bien superficiel dans son propos et ne construit que des personnages caricaturaux à la psychologie aussi primaire que ceux conçus par Yasmina Reza, par exemple.

Que la société contemporaine soit pleine de faux-semblants qu'on a raison de dénoncer, le café-théâtre, la bédé et les chroniqueurs télés s'en chargent déjà assez bien. On ne voit pas ce qu'un passage par le prisme théâtral de Marius von Mayenburg apporte en plus. Si l'on compare sa vision de l'art moderne, on est hélas plus près d' "Art" que du "Square", le film du Suédois Ruben Ostlund, palme d'or 2017.

Avec le talent qu'on leur connaît et reconnaît, les tg STAN ont tiré dans "Quoi/Maintenant" le meilleur de Marius von Mayenburg, avec cette réserve à méditer qu'ils n'ont pas cru nécessaire de mettre en avant le titre de son oeuvre. On leur conseillera pourtant de se pencher à nouveau, comme ils savent si bien le faire, sur des textes plus profonds et moins dans l'air du temps.