Comédie écrite et mise en scène par Bruno Cadillon, avec Bruno Cadillon, Gilbert Epron, Emmanuel Faventines, Danièle Marty et Henri Payet.
Le comédien, auteur et metteur en scène Bruno Cadillon a concocté une roborative comédie autour du "Barde de Stradford" en usant de ses thèmes de prédilection que sont le théâtre, l'amour et la mort.
D'autant que "Le dernier songe de Shakespeare" s'avère placé sous le signe de la dualité déclinée à l'envi.
En effet, elle constitue une oeuvre de fantaisie au double sens, d'une part, de la liberté d'écriture, notamment à partir la biographie lacunaire de William Shakespeare pour laquelle le spectateur peut utilement se reporter à celle récemment publiée par l'écrivain et essayiste britannique Peter Ackroyd ("Shakespeare, la biographie").
Et, d'autre part, de l'originalité avec une partition ponctuée d'anachronismes et incluant l'adaptation de scènes-culte d'oeuvres majeures telles, et entre autres, "Hamlet", "Macbeth" "Roméo et Juliette" et "La Tempête".
Enfin, ode au théâtre, hommage au dramaturge et célébration de l'amour conjugal, cette fantaisie fictionnelle articulée autour du dernier jour de Shakespeare présente une nature théâtrale hybride.
Burlesque et farcesque avec les trois serviteurs, Lecoing (Emmanuel Faventines), Clarinette (Henri Payet) et Basdufront (Gilbert Epron), qui, outre avatars des sorcières et des fous clairvoyants qui viennent en émissaires de la faucheuse, sont investis du rôle des villageois érigés en comédiens dans "Le Songe d'une nuit d'été" et qui, par une belle mise en abime, devisent et se querellent comme des acteurs qui cachetonnent.
Par ailleurs, dramatique et poétique avec le beau portrait imaginé de Anne Hathaway (Danièle Marty), épouse de - et dans - l'ombre, restée "à la maison" pendant que son époux vivait à Londres, et que Bruno Cadillon fusionne avec la maîtresse inconnue idéale - et idéalisée - la Dark Lady des sonnets shakespeariens.
Comme la vie n'est qu'une ombre qui passe et que tout n'est qu'illusion, ce dernier songe se déroule dans une scénographie Sandrine Lamblin qui a élaboré un décor de salle de théâtre du 16ème siècle dans son jus qui pourrait évoquer le Théâtre du Globe
comme la mise en scène de Bruno Cadillon - également au jeu dans le rôle d'un pince-sans-rire Shakespeare agonisant - également inspirée du théâtre de tréteaux
Revêtant les costumes en opposition chromatique confectionnés par Anne Rabaron, rutilance colorée pour les valets, camaïeu noir pour les maîtres, l'émérite troupe de la Compagnie du Hasard réussit le pari du mélange des genres et, pour le plaisir du public, s'épanouit dans ce divertissant - et néanmoins réflexif - opus choral. |