Spectacle conçu par la Compagnie Det Kaizen, mise en scène de Gaëlle Hermant, avec Jules Garreau, Victor Garreau, Viviane Hélary, Frédéric Lapinsonnière, Aude Pons et Louise Rebillaud.
On est prévenu à l'avance : "Le Monde dans un instant" est une création collective de la Compagnie Det Kaizen, c'est-à-dire des six acteurs qui participent à l'aventure (Jules et Victor Garreau, Viviane Hélary, Frédéric Lapinsonnière, Aude Pons, Louise Rebillaud) auxquels s'ajoutent Gaëlle Hermant, la metteuse en scène et Olivia Barron, qui s'occupe de la dramaturgie de l'événement.
Pour tout comprendre, il faut savoir ce que "Det Kaizen" signifie. Fusion des deux mots japonais "kai" et "zen", on peut le traduire en français par "amélioration continue" et veut dire que par petits changements successifs, on finira par obtenir de grandes transformations...
Les protagonistes du "Monde dans un instant" ont donc la grande ambition d'en revenir à l'utopie, une utopie qui s'inscrit hors de toute tradition révolutionnaire, une utopie bien macronienne même si elle cite le philosophe situationniste Raoul Vaneigem, puisqu'elle prétend que par petits sauts on arrivera au grand bond en avant...
Concrètement, cela donne un spectacle ambitieux, foutraque et potache, que certains trouveront peut-être intello et prétentieux, mais qui n'est pas anarchiste du tout. Au contraire, dans "Le Monde dans un instant", ces jeunes gens modernes et individualistes croient au progrès technique, pensent que les hommes et les robots peuvent collaborer s'ils ne sont pas utilisés bêtement (pour suppléer une présence humaine auprès d'un vieil homme seul, par exemple).
Quand ils se réfèrent à une machine à souvenir, elle les replonge au temps béni des petites voitures de leur enfance. Ici, la famille est centrale, il faut dire que parmi la troupe on remarque bien la présence d'une fratrie rigolote (Jules et Victor Garreau).
Ici, le collectif n'intervient que pour ranger les vélos et il n'est jamais question de construire ensemble, ni de développer des valeurs égalitaires. Les dangers du futur ne sont pas la pollution ni les massacres ethniques. Non, la crainte de la mort prend la forme d'une météorite qui peut heurter la terre...
Gaëlle Hermant met en scène le joyeux bordel imaginé par une troupe de très bons comédiens. Le spectacle est à l'image de ce qu'ils proposent : des moments forts qui interrogent, des moments faibles qui irritent.
Si l'on évoque le chômage avec un entretien d'embauche hilarant, il n'est jamais question de critiquer frontalement le libéralisme. On se demande même si ces jeunes gens infantilisés par leurs belles enfances éternelles ont oublié qu'il y a une société autour d'eux et qu'elle impose sa politique, même si on ignore son existence ou qu'on la nie.
Qu'ils ne s'étonnent pas qu'on leur applique une analyse sociologique dans laquelle ils ne se reconnaîtront pas et qu'on leur dise gentiment, en les encourageant à continuer à essayer de penser mais en poussant plus fort sur leurs neurones, qu'ils devront se méfier de leur tropisme bobo.
Sinon, la prochaine fois, on revendiquera, pour d'autres collectifs plus ancrés dans le réel, le droit de venir prendre leurs places d'enfants gâtés du théâtre public. |