Jean-Paul Bled, professeur à l’université de Paris-IV-Sorbonne est un grand spécialiste de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Il a déjà publié de nombreux ouvrages dont Francois-Joseph, Histoire de la Prusse et Marie-Thérèse d’Autriche. Il s’attaque ici à la biographie d’une femme d’Etat oubliée, Sophie de Habsbourg dans son nouvel ouvrage publié aux éditions Perrin.
Jean-Paul Bled nous précise au début du livre : "Il s’est formé une légende noire autour de l’archiduchesse Sophie, la méchante Sophie, l’horrible belle-mère de Sissi qui aurait pris un plaisir sadique à torturer son adorable belle fille. La cause serait donc entendue et il n’y aurait plus rien à redire. Au cas où les plaintes répétées d’Elisabeth ne suffiraient pas, qu’y aurait-il à ajouter après la célèbre trilogie des films d’Ernst Marischka, qui, depuis des lustres, ont fait pleurer dans les chaumières des générations d’âmes sensibles, d’autant que Romy Schneider y prête ses traits à la jeune impératrice".
Pour Jean-Paul Bled, l’historien ne peut se satisfaire de cette version kitsch en rose et noir. D’autant plus que le destin historique de Sophie dépasse de loin cette relation avec Sissi. Pour lui, cette femme mérite amplement qu’une première biographie lui soit consacrée. C’est désormais chose faite.
Sophie de Habsbourg fut l’épouse de l’archiduc Francois-Charles de Habsbourg et la mère de Francois-Joseph dont elle permettra de manière déterminante l’accès au trône en 1848. Elle eut au départ une influence importante qui déclina après la guerre perdue contre la France de Napoléon III et le Piémont de Victor-Emmanuel. Elle est frappée ensuite par l’exécution de son fils cadet, Maximilien Ier, devenu empereur du Mexique qui, après le siège de Querétaro, refuse d’abandonner ses partisans.
Elle est aussi la femme qui ne souffrira d’aucune défaillance lorsque la révolution de 1848 ébranlera la monarchie autrichienne au point de la faire tomber. Elle est aussi celle qui connut des difficultés relationnelles avec sa belle fille, Sissi, que l’on ne peut pas nier. Jean-Paul Bled nous montre de cette relation une réalité plus nuancée. Sophie de Habsbourg a aidé comme elle a pu Sissi à endosser les habits d’impératrice après son mariage avec François-joseph en 1854 quand cette dernière s’obstinait à refuser ce rôle.
La biographie de Sophie de Habsbourg est précise et complète. Elle nous montre comme Sophie s’approprie une nouvelle patrie au gré des modifications territoriales et frontalières de l’époque. Sa place de mère comblée est ensuite évoquée, rappelant au passage que la première fonction d’une impératrice est d’être une bonne génitrice. Sa première grossesse est évoquée puis la naissance de ses trois fils ensuite, ses fausses couches aussi. Un chapitre est consacré aux appartements de l’impératrice, véritable lieu de pouvoir quand un autre traite de son quotidien au travers d’une journée passée avec elle. Un chapitre est évidemment consacré à sa relation avec Sissi avant que l’ouvrage nous montre son déclin, ses années sombres puis sa fin.
Jean-Paul Bled nous livre donc une biographie particulièrement intéressante d’un personnage encore peu connu des non spécialistes de l’Histoire. Il dresse un portrait de celle qui fut considérée comme la gardienne des valeurs monarchiques. |