Devenu une des institutions muséales parisiennes les plus dynamiques, le Musée Marmottan-Monet ne désempare pas pour présenter à chaque saison une exposition inattendue et passionnante, telle, en l'occurence, celle intitulée "Corot - Le Peintre et ses modèles".
Conçue sous le commissariat de Sébastien Allard, directeur du département des Peintures du musée du Louvre et spécialiste de la peinture du 19ème siècle, elle se penche sur une partie méconnue de l'oeuvre de Jean-Baptiste Camille Corot, peintre majeur du 19ème siècle, en lui apportant un éclairage complémentaire.
En effet, elle dévoile une production parallèle à celle officielle du peintre reconnu de paysages ancré dans la tradition classique et inconnue tant de son temps qu'aujourd'hui encore pour le grand public, qui s'épanouit dans le secret de son atelier, et concerne le genre du portrait, de la figure au nu.
La monstration se développe de manière chronologique en une soixantaine de chefs d'oeuvre dont la quasi totalité détenues à l'étranger ce qui implique de ne pas s'en dispenser.
Le Peintre et ses modèles : l'oeuvre janusienne de Corot
Avec la peinture de figure, Corot, le maître reconnu du paysage surnommé le "bon-papa Corot", doyen des naturalistes, co-fondateur de l'Ecole de Barbizon, précurseur des impressionnistes, "le seul maître" selon Claude Monet, et annonciateur de l'émergence de la peinture moderne, quitte sa zone de confort en se mesurant non seulement à son art, à travers le portrait, mieux considéré dans la hiérarchie des genres picturaux, et au genre noble du nu, mais à ses homologues tant générationnels que ceux de la "nouvelle peinture".
Entre tradition et modernité, il commence par le portrait intimiste de ses proches dans la veine réaliste, il travaille également sur la figure féminine dans le cadre d'un syncrétisme avec le classicisme, à la manière du portrait de la renaissance ("Femme à la perle", "La blonde Gasconne", "Sibylle")) ainsi également en déclinant le thème de la liseuse de la peinture hollandaise du 17ème siècle ("Liseuse dans la campagne") et celui de la mélancolie à la façon de la Renaissance allemande ("La lecture interrompue").
Avec le recours aux modèles, il pratique la figure pittoresque avec notamment celle de l'Italienne en costume folklorique qui lui permet d'introduire une distanciation par rapport à l'espace-temps contemporain, modèle qu'il met en scène également quand il décline le sujet de l'atelier comme une méditation sur l'art.
Si pour le nu, la facture de "Marietta ou l'Odalisque romaine" de 1843 à la manière d'Ingres est cependant détachée de tout contexte quel qu'il soit, pour les superbes nus réalisés postérieurement Corot réintroduit la distanciation avec le "prétexte" mythologique ("Bacchante au tambourin", "La Bacchante à la panthère") qui lui permet, également aiguillonné par l'audacieux "Déjeuner sur l'herbe" de Edouard Manet qui combine paysage, portrait et nu, de travailler la fusion de la figure et du paysage.
Et en 1874, un an avant sa mort à 79 ans, il saute le pas ultime de la fusion de la modernité et de l'idéal clasique avec "La Dame en bleu", dernier portrait de Emma Daubigny, son modèle favori, en costume contemporain et pensive entre deux tableaux de paysage.
Pour approndir la visite, ne pas rater la conférence de Sébastien Allard, le commissaire de l'exposition, donnée le 14 mars 2018 à l'Auditorium du Musée du Louvre. |