Tout naît / tout s'achève dans un disque
(Ici d'ailleurs...) mars 2018
Second album qui faillit ne jamais voir le jour, parce que l’air est vicié de démagogues et de nuages toxiques. Gontard! écoute beaucoup de musique, dissèque et associe les sonorités, interprète ces maux avec ses mots et livre Tout naît / tout s’achève dans un disque. Parce que la vie ça fait mal, les sentiments ça schlingue et les actualités ça torse.
L’œil torve et la lippe pressée, Gontard! murmure autant qu’il chante, il slamme comme il ergote et argumente comme il conspue. "Pourquoi personne ne me collectionne / pourquoi je sors seulement quand les gens dorment / pourquoi je ne veux pas mourir tout blanc / pourquoi entretenir l’esprit combattif pendant que vous entretenez un déni sucré / pourquoi sur la terre des hommes il n’y a que des intrigues compliquées / je crois que ça y est je vous hais car vous n’avez jamais souhaité déplacer la moindre montagne / vous vouliez juste mettre quelques paillettes dessus pour faire joli les soirs de fête / mais qu’avez-vous fait ? / pourquoi l’avez-vous fait ? / moi je m’en vais / vous direz de ma part au premier sinistre que Gontard! est mort parce que personne ne me collectionne" ("Il fiasco").
Les instruments sont les battements du temps sur nos rêves avortés et les sifflements du vent dans les interstices. Des cordes suivent les syllabes et répondent au prolixe verbe de Gontard!. Et quel verbe ! Accrocher son oreille aux textes fera sans effort se vriller le petit marteau du tympan en une suite de postillons embaumant le désenchantement. Fils spirituel de Zola, le fameux Emile détrousseur de bourgeoisie guindée, faisant apparaître en quelques mots la noirceur derrière les voilages, la puanteur sous les parfums et le labeur des petites mains, Gontard! fait de son album une balade entre brouillard et fumée, à la lisière de ce qu’il est bienséant de taire et de ce qu’il est nécessaire de crier.
"Et tous ces tambours qui frappent sur ton passage, tous ces slogans sur des Post-it qui participent au national tapage. Y'a toujours une tondeuse, comme un bruit de fond dans ce pays qui fout les jetons" ("La main tiède de la violence"). Jeunesse désabusée, vieillesse blasée, voilà ce que nous sommes, et en somme la simple somme de nos décisions.
Notre maison, ses cuivres lancinants de soirs de pluie, ses notes étirées à tirer des larmes du cafard, parce que les tourments n’existent qu’à cause des autres et de nos interactions. Sartre n’est pas loin, ses concepts ressurgissent en ces heures individualistes. "Ce matin tu pleurais sans avoir de chagrin, il doit bien y avoir une raison".
Poète contemporain sans hypocrisie, avec un réalisme dénué de sarcasme, sans paillettes et sans strass, Gontard! assume un cynisme digne des plus ascètes. Et ça aussi ça fait du bien, c’est sans langue de bois que Tout naît / tout s’achève dans un disque va à la conquête de ce palpitant qui ne battait pour personne et le lance à travers les cieux, en orbite autour de notre planète incandescente. Certes, ça fait mal, mais il est aussi doux de se sentir vivant.
"L’humanité n’a pas besoin de bibelots, on veut des fluides corporels". C’est noté.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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