Comédie dramatique écrite et mise en scène par Wendy Beckett, avec Célia Catalifo, Marie-France Alvarez, Marie Brugière, Swan Demarsan, Sébastien Dumont, Audrey Evalaum, Clovis Fouin, Christine Gagnepain et Mathilde Rance.
Le destin tragique de Camille Claudel ne pouvait qu'inspirer Wendy Beckett, auteure de pièces biographiques dédiées aux femmes artistes, qui signe avec "Claudel - De l'ascension à la chute" un très réussi, tant au fond qu'en la forme, et passionnant spectacle ressortant au genre du biopic théâtral.
En effet, la partition, qui se développe sur plusieurs décennies de la rencontre déterminante avec le sculpteur Rodin, figure ambivalente du père, du Maître et de l'amant, au cours Bouchet avec ses homologues et amies (Marie-France Alvarez et Marie Brugière), à l'internement psychiatrique définitif de la sculptrice, se démarque par des choix judicieux.
D'une part, le choix des événements représentés en raison de leur intérêt dramaturgique et, d'autre part, celui de la thématique privilégiée qui écarte celle de la classique dialectique du génie et de la folie au profit de celle "féministe" du libre arbitre avec l'itinéraire brisé d'une femme passionnée en quête d'émancipation et de liberté qui assume et impose ses choix.
Des choix qui incluent la carrière artistique et, de surcroît, en ne se cantonnant pas aux arts d'agrément traditionnellement dévolus en son temps à la gent féminine mais en investissant le pré-carré séminal de la sculpture par ailleurs art exigent car couteux et dépendant du mécénat public. D'où les "folles" passions de Camille Claudel pour son art et pour un homme aussi lâche qu'infidèle.
Inscrit dans le registre du "suicidé de la société" et en sus sacrifiée par sa famille au nom de l'ordre petit-bourgeois personnalisée par une mère mal aimante (Christine Gagnepain) révulsée par des incartades et extravagances qui compromettent son besoin de reconnaissance et de respectabilité sociales, et le "cher petit Paul" (Clovis Fouin), frère ambitieux à l'attitude ambigue, celui qui écrira "J'ai abouti à un résultat, elle n'a abouti à rien", l'opus au texte de belle facture moderne, qui ne se disperse pas en inutiles bavardages ou digressions, se concentre sur l'essentiel.
Evitant l'écueil du naturalisme mélodramatique comme du pathétique, la mise en scène efficace de Wendy Beckett, assistée par Audrey Jean, bénéficie de la scénographie épurée de Halcyon Pratt, un atelier d'artiste esquissé par de simples toiles nouées en fond de scène et quelques accessoires, soutenue par les belles intensités lumineuses crées par François Leneveu et les opportunes projections graphiques de Régis Lansac.
La présence au générique de la chorégrahe Meryl Tankard et de trois danseurs (Sébastien Dumont, Audrey Evalaum et Mathilde Rance) constitue une originalité significative, et sensationnelle au sens positif du terme, en ce qu'elle introduit de magnifiques intermèdes chorégraphiques sur le mode des statues animées qui attestent de la puissante sensualité tant de la sculptrice que de ses oeuvres.
Tous les comédiens sont au diapason pour un jeu émérite. Et, dans le rôle-titre, face à Swan Demarsan qui campe un Rodin aussi fuyant que libidineux, Célia Catalifo, lumineuse et juste dans la gestion de l'émotion du rêve au cauchemar, livre une incarnation tout aussi maîtrisée que sensible de la belle et rebelle Camille. |