Le Grand Palais accueille en provenance d'Allemagne l'exposition "Tintoret - Naissance d'un génie" organisée, à l'occasion du 500ème anniversaire de la naissance du peintre considéré comme un des Maîtres de la Renaissance vénitienne, sous le commissariat de Roland Krischel, conservateur en charge de la peinture médiévale au dit musée et Michel Hochmann, directeur d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Études, par le Wallraf-Richartz-Museum & Fondation Corboud de Cologne où elle était présentée jusqu'au 28 janvier 2018.
A Paris, élaborée avec l'association de Cécile Maisonneuve, conseil scientifique à la Réunion des Musées nationaux-Grand Palais, la monstration qui vise les oeuvres de jeunesse qui démontrent l'ambition et le talent du Tintoret et annonce son exceptionnelle carrière.
Elle présente 57 oeuvres, dont toutefois moins de la moitié réalisées par le peintre lui-même, dans un parcours thématique en sept sections scénographié par Véronique Dollfus qui joue avec la perspective et la ligne de fuite pour ouvrir les espaces ces et la mise en résonance des oeuvres et un chromatisme lumineux de teintes douces puisées dans la palette du peintre.
Tintoret : de l'audace et du génie
Le jeune Jacopo Robusti, dit Il Tintoretto car fils de teinturier, ne manque ni d'ambition, au demeurant légitime, à vingt ans il réalise ses premiers chefs d'oeuvre "L’Adoration des Mages" et "Jésus parmi les docteurs" et la tourbillonnante "Conversion de Saint Paul", ni de talent d'entreprise pour défier Le Titien, la figure tutélaire de l'Ecole vénitienne et rivaliser avec son homologue générationnel Véronèse.
Son audace et son estime de soi, qui transparaissent dans son autoportrait, repris pour l'affiche de l'exposition, se manifestent par une production artistique diversifiée, réalisée notamment au sein de son atelier ouvert dès son jeune âge, pour conquérir tant le marché pictural à destination des palais patriciens que pour obtenir les commandes de prestige de commanditaires ecclésiastiques comme l'Eglise de la Madonna dell’Orto et des sodalités telles la Scuola Grande di San Marco et la Scuola Grande di San Rocco.
Alors certes, il oeuvre dans le registre de la peinture religieuse et biblique, avec la peinture d'autel et de dévotion en déclinant les thèmes de la Sainte Famille, de la Vierge à l'enfant
et de la célébration des Saints.
Mais du sacré au profane, de la grande peinture à la peinture décorative, de la peinture d'histoire au nu, de la peinture de chevalet à la toile monumentale, le peintre opte pour l"éclectisme qui, cependant, se dispense selon des caractéristiques communes auquel cependant seul échappe le portrait
placé sous le signe d'un psychologisme austère.
Ainsi, en est-il du goût du spectaculaire avec le recours à une composition qui ressort à la mise en scène théâtrale et le sens du dramatique fantastique par l'emploi de couleurs irréalistes et d'un jeu de lumière appuyé tel dans "L'enlèvement du corps de Saint Marc par les chrétiens".
Une composition qui fait également appel à des effets saisissants de perspective comme la contre-plongée qui
préside à la série de seize panneaux octogonaux décoratifs pour plafond destiné au Palazzo Pisani réalisé sur le thème des métamorphoses d'Ovide ("Jupiter et Séléme", "Deucalion et Pyrrha priant devant la statue de la déesse Thémis").
Le maniérisme caractérise sa production "commerciale" pour les tableaux de décoration intérieur, dont ceux en forme longitudinale présentés tels "Suzanne et les vieillards" et "Judith dans la tente d'Holopherne" qui reprennent de manière récurrente des sujets, en vogue en ce temps, de la mythologie antique et de l’Ancien Testament.
Autre constante, la virtuosité`en terme de vigueur plastique
qui restitue la dynamique du corps en mouvement et donne l'illusion d'une peinture en trois dimensions. Comme il s'inspire des arts du théâtre, Tintoret emprunte à la statuaire pour construire la posture de ses figures que la monstration illustre avec la mise en résonance du tableau "La Princesse, Saint Georges et Saint Louis", la sculpture "Allégorie féminine" de Bartelomeo Ammanati et un moulage d'un bronze antique représentant un jeune éphèbe.
Parmi ses genres et sujets de prédilection, le nu et la représentation de la figure féminine est traitée de manière antipodique de la maman à la putain en passant par la princesse et l'Eve de la Genèse ("Le Péché originel", "La Mort d'Adonis","Concert des Muses").
Le chapitre clôt, le visiteur pourra revenir à la vie présente en dégustant la gourmandise "Vénitien" proposée spécialement pour l'occasion par la Maison Angelina qui tient salon à l'entrée du musée. |