Attention, disque méchant ! Depuis plus de vingt ans, Sister Iodine arpente la scène underground la plus brutale qui soit. Au rayon des musiques extrêmes, outre le métal, on trouve un nombre de sous-genres incalculables. "Avant-Garde", "Expérimentale", "Noise". Voici comment la musique de Sister Iodine se trouve définie la plupart du temps.
Composé de trois malfaisants particulièrement virulents, le groupe est axé autour de deux guitares et d’un batteur. Et pour être tout à fait honnête, il faut le voir pour le croire car à la première écoute, on se demande d’où peuvent bien provenir la plupart des bruits affolants gravés sur ce double album.
Sorti chez Nashazphone, label Egyptien, le nouvel album du trio français est redoutable pour les nerfs, même d’aciers, et il paraît impossible de se plonger dedans sans y avoir été un minimum préparé. Si les musiques extrêmes sont parfois le fruit de plaisirs solitaires et de travaux denses et monolithiques (Merzbow ou Dilloway), Sister Iodine est avant tout un groupe et compose sa musique en fonction de cette donnée. Chaque instrument devient alors prépondérant, jusque dans le traitement de la batterie, soumise aux mêmes effets que les autres. Les cymbales sont passées sous les feux des distorsions, des manipulations, rendant alors des sonorités aux fréquences dangereusement hautes, tout comme les voix qui, de fait, s’approchent plus du hurlement qu’autre chose. La réverbération sur la plupart des sons provoque une forme de claustrophobie qui rend presque mal à l’aise et l’agression est permanente. Bien entendu, lorsque l’on produit pareilles sonorités, il est évident que l’on ne s’attend pas à animer les apéritifs dans les soirées mondaines et le discours se veut particulièrement incisif pour prendre d’assaut celui qui aura eu l’audace de poser le disque sur la platine.
Tout est donc affaire de contraste, les sifflements, les boucles, les faux départs et cet acharnement permanent à créer la surprise dans un monde oppressant confère à la musique de Sister Iodine une beauté étrange que l’on ne perçoit qu’après de nombreuses écoutes, au risque d’y laisser un tympan. Pourtant, les différentes ambiances forment une sorte de pièce en plusieurs actes, ne répétant jamais deux fois la même chose, ce qui est parfois un risque, car derrière ces sons se cachent des hommes et non des machines, ce qui fait toute la différence. La nature électronique, même parfaitement maîtrisée, offre souvent moins que cette matière organique derrière laquelle des cœurs et des âmes se débattent pour éviter l’asphyxie.
Le disque évolue lentement, comme une lave qui s’écoule près de vos pieds et contre laquelle vous reculez pas à pas pour éviter de vous faire avaler, mais vient le temps de se retrouver dos au mur et où il va falloir affronter le premier choc thermique. Ici, les structures n’existent pas, les mélodies n’existent pas, les silences n’existent pas, le monde n’existe pas et vous-même, vous finissez par vous poser la question. La musique du groupe, répartie sur quatre faces, fait tour à tour hurler les sirènes, bouillir les sonorités les plus distordues, saccade les rythmes concassés sous le déluge sonore, comme un Autechre en stage chez le Sonic Youth de la série des SYR.
La grande force de Venom est avant tout de ne jamais sombrer dans la redite, ou dans le bavardage inutile. Les nombreuses variations apportent de la surprise à chaque seconde d’écoute et passées les premières minutes un peu tumultueuses pour celui qui n’a pas été un minimum préparé à pareille tempête, le disque vous embarque dans un saisissant voyage sur une mer démontée dont les embruns vous brûleraient le visage de leurs caresses barbelées.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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