"For me a sound vision is something for itself. Sound can be like that. In the beginning, I thought that I wanted to impose a woodwind sound with the piano, but that would have been a completely different organism, and the ideas would have gone in another direction. What I wanted here was the idea of a mirror of the piano sound modified by the percussion and harp, also the idea of echoes mirroring the same type of sonority. With the woodwind idea, that would have been totally different if not impossible. The sound for me cannot really be preconceived because it is an integral part of the musical conception" Rocco Di Pietro, Dialogues with Boulez.
Cette interprétation, uniquement disponible en digital, de Sur Incises par Daniel Barenboim a était enregistrée à l’occasion de l’inauguration de la Salle Pierre Boulez à Berlin en mars 2017, soit une petite année après la disparition du compositeur.
Sur Incises est une œuvre en deux parties (Moment I et Moment II) : la première plutôt rêveuse jouant sur les constructions et les résonances comme tenues par un fil invisible et la seconde plus endiablée, plus brusque, aux dynamiques (rythmiques, nuances) très marquées et terminant sur le silence.
Cette pièce, écrite entre 1996 et 1998 entre remaniement et réinvention d’Incises, pièce pour piano seul, est une œuvre virtuose. Elle demande une très grande précision technique et cette virtuosité fait totalement partie du jeu. "Cette combinaison présentait encore un autre atout : en attribuant à chaque instrumentiste d'amples cadences, un seul pianiste aurait eu du mal à venir à bout de toute la partie virtuose et les autres se seraient ennuyés, j'ai pu mettre les trois pianistes en situation de compétition" comme l’indiquait Boulez.
Sur Incises est poétique, complexe. Les résonances se répondent dans une richesse d’événements musicaux et de timbres. L’instrumentation y fonctionne par trois : trois pianos, trois harpes, et trois ensembles de percussions et a été choisi en rapport à la sonate pour deux pianos et percussion de Béla Bartók et aux rapports (2x2) des quatre pianos des Noces d’Igor Stravinsky.
Foisonnante, graphique, tumultueuse, cristallisation de motifs, jouant avec les sonorités (entre attraction et divergence) et l’hexacorde de Sacher, combinaison et dialogue d’instruments, Sur Incises est un prisme où se réfractent les harmonies, polarités rythmiques ou l'instrumentation. L’acoustique de cette salle de forme elliptique rend compte du jeu de réflexion des sonorités des instruments installés à une place bien précise.
En définitif, une belle version de l’œuvre, peut-être un peu timorée et rigoriste dans Moments II mais c’est un détail. Surtout un très bel hommage du chef d’orchestre Israélo-Argentin à Boulez avec la création de The Boulez Ensemble avec des musiciens issus des rangs de la Staatskapelle de Berlin, du West-Eastern Divan Orchestra, des professeurs de la Barenboim-Said Akademie.
Un seul regret, que l’esprit de Pierre Boulez, de sa vision de la musique ait mieux été compris et célébré en Allemagne qu’en France. Nul n’est prophète en son pays (surtout pas Boulez) mais cela exprime beaucoup de l’état de la culture et de sa représentation dans notre pays. |