Il est toujours bon de se souvenir qu’en France, il y a eu, et il y a encore, une scène indépendante, parallèle. On se souvient de mouvements tels que "Rock In Opposition" au début des années 70, mais aussi d’une scène d’avant-garde assez vive. Richard Pinhas, membre fondateur d’Heldon, reste encore, quatre décennies plus tard, un acteur prépondérant de la scène avant-gardiste.
Alors que le projet Heldon est remis en activité en 2018, après un hiatus conséquent, les rééditions se multiplient et tout semble s’accélérer autour du groupe précurseur en France d’une certaine forme de liberté. Le savant mélange, toujours pertinent entre la musique électronique et le rock (entre prog rock et free rock), de cette musique est toujours et encore d’actualité.
A l’occasion du Disquaire Day, le label bordelais Bam Balam Records se fend d’une sortie inédite. Trois morceaux ont été exhumés pour l’occasion, enregistrés lors de la tournée de 1977, alors que l’on pensait les bandes perdues. Trois morceaux, résultant d’improvisations servant de bâtisse aux titres joués en ce soir de 1977 à Metz. Les rythmes marqués, parfois par des rythmes groove, parfois par des secousses tribales, servent d’ossature à des divagations sonores étonnamment construites là où les improvisations s’avèrent parfois bavardes et un peu vaines. Jamais les titres ne s’étirent exagérément, et le savant dosage entre le monde électronique et la clôture électrique reste parfaitement équilibré.
Le premier morceau s’ouvre d’entrée sur une rafale de batterie, en embarque l’auditeur dans une course haletante où s’entremêlent les claviers et la guitare de Richard. Le second morceau fait durer le plaisir tout en injectant une touche de modernité qui ramène au futur post-rock des années 90 et 2000. On ressent là matière à développer de véritables morceaux et pas de simples improvisations, surtout lorsque les couleurs psychédéliques s’étalent lentement sur les fondations. L’effet tournoyant du motif répétitif évoque quant à lui les grandes heures du krautrock sans pour autant en calquer le modèle. Le mur du son qu’impose la formation possède suffisamment de singularité pour proposer un son propre, même avec les saveurs de ses influences. La seconde face propose deux titres, extraits du même concert, mais déjà parus dans des versions studio, connues de ceux qui sont familiers avec le travail du groupe, et qui peuvent faire office de porte d’entrée dans le monde d’Heldon.
Il est presque regrettable de ne pas avoir l'occasion d'entendre le concert dans son intégralité, ce qui aurait sans doute permis d'augmenter les saveurs épicées de ces improvisations providentielles à côté desquelles nous aurions pu passer. Une chose reste certaine, le discours et la méthode sont toujours aussi intéressants, 41 ans plus tard, à la veille du retour au premier plan de l’une des formations les plus intéressantes du rock français underground. |