Seul en scène écrit et interprété par Nicolas Bouchaud dans une mis en scène de Eric Didry.
"Le Méridien", ultime volet de la trilogie initiée par Nicolas Bouchaud avec "La loi du marcheur" et "Un métier idéal", avec la collaboration artistique de Véronique Timsit et de Eric Didry pour la mise en scène, s'avère le plus complexe.
Car il invite à une immersion dans l'art de la poétique et dans celui de la poésie à partir du discours prononcé en 1960 par Paul Celan, poète juif d’origine roumaine et de langue allemande ayant payé un lourd tribut à l'Holocauste, lors de la réception de la prestigieuse distinction littéraire allemande, le Prix Georg Büchner.
Dans ce texte, Paul Celan examine le statut de la poésie à partir d'un questionnement sur l'art et de l'analyse de l'oeuvre de Büchner, écrivain et dramaturge du 19ème siècle inscrit dans le courant Sturm und Drang du romantisme allemand tardif, et notamment pour expliciter la notion de "contre-langue" - qui est la langue de la poésie - qui est une langue de résistance politique et humaniste contre les "porteurs de couteaux".
Nicolas Bouchaud a procédé à la transposition théâtrale de cette démonstration philologique qu'il délivre en adresse au public sur le mode d'une pensée qui s'énonce dans une scénographie de Elise Capdenat, avec en fond de scène une immense reproduction d'une gravure en noir et blanc représentant un paysage tourmenté, le sol faisant office de tableau noir pour tracer un sinueux parcours chronologique autour d'une date capitale, celle de la Conférence de Wannsee qui le 20 janvier 1942 qui officialise l'organisation de la solution finale de la question juive.
Tout commence comme une conférence avec un pupitre à jardin mais très vite, le comédien s'en émancipe tout comme la toile dont le dessin se prolonge sur le cadre et qui sous un nouvel éclairage renvoie à une oeuvre du peintre allemand Caspar David Friedrich de la même obédience que Büchner.
En effet, en haut à gauche, se dessine une silhouette qui est celle du "Voyageur contemplant une mer de nuages" non vu en gros plan et de de dos comme sur l'oeuvre originale mais de profil dans une vue latérale en plan large. Résonance intelligente et subtile tel le nuage de craie qui va recouvrir le plateau, métaphore de la cendre qui va recouvrir le 20ème siècle.
Engagement, conviction et persuasion animent Nicolas Bouchaud qui officie comme un passeur émérite, les pieds sur terre, la tête dans les étoiles, pour éclairer l'indicible et l'insaisissable. |