Comédie dramatique écrite et mise en scène par Valérie Durin, avec Etienne brac et Jean-Benoît Terral.
Deux hommes vêtus quasiment à l'identique de noir, avec, en rouge couleur rideau de théâtre, pour l'un, la robe d'intérieur pour l'homme de cabinet et, pour l'autre, la veste d'homme pressé toujours attendu au Palais Royal, sont liés, outre une amitié demeurée occulte, par un arrangement secret.
Tel un amant adultère, Molière rejoint régulièrement et clandestinement Corneille dans son antre normande pour l'entretenir de ses soucis personnels d'homme et de directeur de troupe et solliciter, contre écus sonnants et trébuchants, une nouvelle partition pour divertir le roi.
Sur les thèmes du négriat littéraire et de l'amitié vache, et sur fond de la fameuse "Affaire Corneille-Molière" qui défraie régulièrement la chronique depuis un siècle, au terme de laquelle Corneille serait l’auteur des principaux chefs-d’œuvre attribués à Molière, Valérie Durin a élaboré avec "L'Arrangement" une passionnante et jubilatoire comédie pour le plaisir du jeu et du théâtre.
S'émancipant du théâtre de conversation comme du biopic et de la pièce à thèse, elle a oeuvré de manière percutante en partant du postulat de leur collaboration et érigeant les deux protagonistes en personnages de théâtre dont ils présentent naturellement tous les attributs tant par l'antagonisme de leur tempérament que par l'infatuation de leur ego et leur propension au cabotinage.
Entre Corneille, le "vieux bouc", fils de notable qui a fait ses classes chez les Jésuites, le Shakespeare français en panne d'inspiration, le grand écrivain tragique passé de mode supplanté par Racine, et ermite austère, et Molière, son cadet, fils de tapissier, bouffon du roi, directeur ambitieux d'une troupe de "farceurs", génial comédien et épicurien, les échanges sont musclés.
Notamment sur la primauté des rôles entre auteur et acteur et la belle figure de Madeleine Béjart. Car à la finesse caustique et manipulatrice et caustique du premier répond le sens de la répartie de l'homme de scène et de cour.
Valérie Durin signe une mise en scène alerte et vive pour cet opus qui constitue également une pièce pour acteur dispenée par deux comédiens aguerris et épatants qui incarnent parfaitement l'époustouflant duo à la fois rival et complice.
Jean-Benoît Terral campe magistralement un Molière impétueux et vibrionnant coincé entre un avare cupide et une "folle chantante" (Lully) et de troubles amours en famille et Etienne Brac excelle en Corneille aux mines de Raminagrobis capable de s'emporter en telluriques colères.
Un parfait et réjouissant moment de théâtre. |