Réalisé par Karel Zeman. Tchécoslovaquie. Drame. 1h15 (Sortie le 2 mai 2018). Avec Emil Horvath, Magda Vasaryova, Frantisek Filipovsky, Cestmir, Josef Hlinomaz, Zdenek Braunschläger et Zdena Bronislavska.
Karel Zeman occupe une place privilégiée dans le cinéma d'animation tchèque aux côtés de Jiri Trnka ou de Hermina Tyrlova.
Dans sa longue carrière, il aura réussi à faire des films reconnaissables immédiatement, notamment grâce à l'utilisation d'éléments de décor tirés d'illustrations des romans qu'il est en train d'adapter.
Comme il est un fan de Jules Verne et des très belles planches de Hetzel qui accompagnent ses ouvrages d'anticipation, c'est avec ce couple célèbre qu'il a réussi ses meilleures œuvres comme "L'invention diabolique», "Le Dirigeable volé" ou "Hector Servadac"
Ce roman tardif de Jules Verne conte les aventures du vaillant capitaine projeté sur une planète qui heure la Terre avec les habitants d'un village saharien, quelques militaires de différents pays, la garnison anglais de Gibraltar, etc. il n'est pas exempt de relents nationalistes et même d’antisémitisme qu'on attribue généralement à l'influence de Michel le fils de Jules.
Heureusement, point de tout ça, même si les personnages sont caricaturaux et semblent sortis d'une bande dessinée, dans "L'Arche de M. Servadac" de Karel Zeman. L'action est rapide et vire vite à la pure fantaisie, au loufoque. On ne peut pas dire que la présentation des militaires français, ou espagnols soit très légère.
Sans doute, pourrait-on y lire (vraiment en filigrane), une critique du colonialisme. D'autant que si les cheikhs arabes ne sont pas épargnés dans leurs vaines luttes pour conquérir un pouvoir inexistant, les populations "indigènes" sont plutôt bien traitées.
Certains ont voulu aussi voir dans "L'Arche de M. Servadac" de Karel Zeman une allusion au Printemps de Prague 1968.
Cette "escapade" d'hommes divers hors de la Terre, fondant un bref instant, une communauté utopique où le pouvoir militaire est aboli aurait à voir avec la situation tchécoslovaque tendant de se débarrasser de l'influence soviétique. On y voit des soldats qui remplacent les canons et les fusils par des tiges remplies de casseroles pour effrayer les dinosaures qui fuit le tintamarre des objets en fer blanc.
On n'ira pas jusque là, mais on reconnaîtra à "L'Arche de M. Servadac" une bonne humeur et une critique bon enfant de la société "terrestre".
Presque cinquante après, le film conserve son charme formel, avec cette alternance très réussie entre des plans en noir et blanc et d'autres en "chromo" aux couleurs des cartes postales du début du siècle.
Ce qui est censé être un territoire entre le Sahara espagnol et le Maroc français apparaît comme un Orient d'opérette qui convient parfaitement au ton décalé d'une œuvre de Jules Verne à relire qui donne à Zeman de déployer toute la palette de son imaginaire de successeur de Méliès.
"L'Arche de M. Servadac" de Karel Zeman est à recommander aux enfants à partir de 8-10 ans et à leurs parents qui seront heureux de leur proposer autre chose qu'une 3D routinière de Disney-Pixar. |