"Chaque année, un peu plus de 800 homicides sont commis en France. Derrière chaque victime, chaque assassin, se cache une histoire singulière faite de coup de sang ou de froids calculs, de pulsions ou de passions. Les auteurs de la collection Les Invisibles ont mené des enquêtes rigoureuses sur ces affaires. Ils donnent la parole à ceux qui ont vécu ces crimes : enquêteurs, magistrats, familles des victimes, proches des assassins. Ils cherchent, racontent un contexte, décrivent une atmosphère et des lieux hantés. Ils tentent aussi de répondre à cette question : pourquoi a-t-on tué ?"
Antoine Albertini, rédacteur en chef adjoint à Corse-Matin et correspondant du monde sur l’île s’est intéressé à un "invisible", El Hassan M'Sarhati, un travailleur immigré clandestin, assassiné d’une balle dans la tête le 16 novembre 2009 sur une route de campagne en Corse. Son assassin n’a jamais été retrouvé et pendant des années, Albertini a enquêté sur la mort de cet homme. Avec son livre, Les Invisibles, publié aux éditions JC Lattès, il redonne un visage à cette victime et révèle les dessous d’un monde caché, d’une économie parallèle et d’une société hantée par la violence.
"Si je parle, je vais prendre une balle dans la tête" avait dit la victime au micro d’Albertini quinze jours avant son assassinat lorsque celui-ci réalisait une enquête sur le travail du ramassage des fruits dans la partie orientale de la Corse.
Dans son livre, qui n’est ni une fiction, ni un polar mais une véritable enquête, Albertini nous plonge dans ce que la Corse a de moins reluisant. On y découvre des exploitations agricoles peu scrupuleuses qui exploitent des clandestins en leur faisant espérer l’obtention de papiers. Des journées de travail interminables pour une poignée d’euros, des conditions de vie et d’habitats inimaginables, des personnes rackettées (on leur reprend une partie de leur misérable salaire !), c’est ce que nous fait découvrir cette enquête. Ces migrants clandestins, ils sont les invisibles.
Face à cela, des forces de l’ordre qui font semblant de ne rien voir, des hommes politiques qui ne s’en préoccupent pas. Et au milieu de tout ça, l’histoire de cet homme El Hassan M'Sarhati, mort d’une balle dans la tête. Albertini veut savoir s’il est mort car il avait l’intention de tout dénoncer ou s'il est mort purement pour des raisons racistes, très prégnant sur l’île.
Son enquête est passionnante, précise et érudite. Elle s’appuie sur une connaissance de l’histoire de la Corse et sur une connaissance du milieu. Il revient sur la présence des pieds noirs marocains et algériens sur l’île et des rivalités engendrées avec les locaux pour des raisons de jalousie au sujet de terres agricoles.
L’auteur reconstitue les faits avec une grande minutie, faisant que son ouvrage se lit quasiment comme un bon polar avec comme toile de fond l’île de Beauté. Melant analyses journalistiques, scientifiques et policières, Albertini parcourt la vie de la victime pour mieux nous montrer les maux qui touchent sa terre natale, notamment le racisme, la violence et les règlements de compte.
En un peu moins de 200 pages, Les Invisibles nous laissent un goût amer des clémentines corses. Pourtant, sans eux, ces invisibles, il n’y aurait pas de clémentines corses sur nos étals. En Corse, tout le monde le sait mais tout le monde se tait. Des invisibles dit-on…
Antoine Albertini, lui, ne se cache pas la vérité. C’est bien là l’objectif de son livre, une superbe enquête sur l’envers du décor de la Corse. |