Bien que trop méconnu d’un large public, il est à peu près certain que vous avez déjà entendu la voix et le chant de Brisa Roché (ne serait-ce que dans certaines publicités).
Quel style musical Brisa Roché n’a-t-elle pas, encore, exploré ? Le jazz ? Elle a commencé avec cette musique ! Musique qu’elle chantait dans des clubs parisiens. Puis vint le premier album (The Chase chez Blue Note) assez éclectique, puis des albums plus pop. L’électro ? Le disque précédent (Invisible 1, Kwaidan Records) s’y est attelé. Le reggae hybride ? Oui, avec ceci (qui fut d’ailleurs un succès) :
La dame change de style (et de maison de disques) au gré, sans doute, de ses envies et / ou de ses rencontres.
Avec ce nouveau disque, le sixième, ce sera de l’americana. D’origine américaine, Brisa Roché renoue alors ici avec ses racines, son pays, et son histoire (l’album s’appelle Father…), elle nous raconte son histoire, son enfance, cette figure paternelle à la fois fascinante et terrifiante, elle explore la complexité des émotions et sentiments qu'enfant, elle a pu ressentir pour ce père.
Musicalement, l’on songe alors à ces grandes figures de la folk que sont Karen Dalton ou Vashti Bunyan. De la première, elle a retenu l’aspect rugueux, sec et poignant ; à la deuxième, elle emprunte l’approche mélodieuse, douce et plus arrangée, mais non moins poignante. L’on songe également, pour l’allure, à des musiciennes plus contemporaines comme Cat Power "(Myra Lee", "You are free") ou P.J. Harvey ("To Bring You My Love").
La tonalité est très acoustique, épurée, sans fioriture, sans illustration, ni ornement.
L’album s’ouvre par le single "48", une ballade élégante assez classique, puis vient "Fuck My Love", batterie tambourinée guitare sèche et rugueuse, double voix très expressive, puis le bouleversant "Patience" évoquant, avec fragilité et détermination, la figure maternelle. On y entend un piano à la partition simple, fluide et nuageuse. Deux autres morceaux, forts, rythment le disque : "Can’t Control", la voix s’y dédouble comme pour signifier l’insuffisante volonté, trop faible, cette incapacité à pouvoir contrôler ce qui ne peut l’être, et "Holy Badness". Ces trois chansons sont intenses : il s’y joue, on le sent, quelque chose d’ardent, d’important et nécessaire pour celle qui l’interprète.
Le morceau "Cypress" saisi par sa simplicité, puis vient " Engine off", une ballade reposant sur un délicat équilibre entre boite à rythmes, batterie, arpèges de guitares électriques et claviers cristallins. Au fil des morceaux, le disque se densifie, une stridente guitare se manifeste et ouvre le voie sur "Before I’m Gone", elle se fait inquiétante sur "Holy Badness". On se calme et se rassure avec "Blue Night", une petite berceuse.
Sur ce disque, le plus personnel et le plus abouti de Brisa Roché, les arrangements sont minimalistes, les guitares électriques sont rares. De façon générale les instruments semblent ici avoir une fonction précise : évoquer une inquiétude, un apaisement, un désir, une peur, etc. Chaque chanson développe un univers, une histoire, une ambiance particulière. Il aura fallu tout le talent de John Parish à la production pour donner unité à des morceaux si différents. Bien que les compositions soient, dans leur grande majorité, de facture assez classique, cela n’ôte pas pour autant à cet album sa singularité. Et reprocher cela à ce disque reviendrait à passer complètement à côté, dans la mesure où il renvoie à cet imaginaire là, et cela sans chercher à jouer de la référence, simplement comme des souvenirs. Un album de souvenirs, un disque d’intranquillité.
De la musique, des spectacles, des livres. Aucune raison de s'ennuyer cette semaine encore. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.