Mes lectures sont argentines en ce moment. Après avoir lu le très bon dernier roman de Pedro Mairal, me voilà embarqué chez un autre auteur argentin que je ne connais pas, Eduardo Sacheri qui publie La Nuit de l’usine aux éditions Héloise d’Ormesson. Eduardo Sacheri enseigne l’histoire, il a déjà écrit un best seller, dans ses yeux, adapté au cinéma qui a recu l’oscar du meilleur film étranger en 2010. Son dernier livre, La Nuit de l’usine a déjà remporté un vif succès en Argentine et il a été couronné par le prestigieux prix Alfaguara.
L’histoire se passe dans la province de Buenos Aires, une région touchée de plein fouet par la crise économique qui sévit en Argentine depuis le début du siècle. Huit voisins décident de se réunir financièrement pour investir dans le rachat d’une usine abandonnée pour sortir de la misère. Très vite, la saisie générale de l’épargne par le gouvernement, le corralito, a raison de leurs projets.
Ils découvrent alors qu’ils ont été victimes d’une vaste escroquerie orchestrée par un homme d’affaires local qui était de mèche avec la banque. Leur banquier leur a demandé de regrouper leur argent sur un compte courant qui s’est vu être gelé par l’Etat argentin au moment de la crise. Entre temps, évidemment, un escroc avait vidé le compte.
Les huit acolytes n’ont alors plus qu’une seule idée en tête, obtenir justice. Mené par le charismatique Perlassi, ils vont alors s’embarquer dans une épopée rocambolesque pour récupérer leurs biens, dans une Argentine qui plonge dans la détresse sociale. Ces huit escroqués s’avèreront vite être huit pieds nickelés, tous différents les uns des autres avec, comme point commun, d’être des éternels perdants. Leur virée, pour retrouver leurs biens, digne d’une histoire des frères Coen va s’avérer être particulièrement drôle.
On y trouve un ancien footballeur, un chef de gare qui ne voit plus passer de train depuis longtemps, un étudiant naif, deux frères un peu abrutis, un réparateur de pneus… Leur argent, qu’il souhaite récupérer, volé par un dénommé Manzi, est conservé dans une fosse blindée perdue au milieu des champs, dotée d’une alarme quasi inviolable.
La Nuit de l’usine est donc une ode à la solidarité et à l’amitié construite autour de personnages amusants vivant dans une Argentine rurale détruite par la crise économique qui laisse sur le carreau les plus faibles. Le livre de Pedro Mairal parlait aussi beaucoup de cette crise économique qui touche l’Argentine depuis 2001. Avec Eduardo Sacheri, c’est de façon humoristique que cela est évoqué, peut-être pour dédramatiser cette situation difficile.
La Nuit de l’usine est une fresque sociale sur la revanche des perdants. Chômage et désertification rurale sont au cœur de ce livre plaisant écrit avec tendresse par cet auteur argentin. Eduardo Sacheri a fait le choix de nous proposer un roman réaliste dénué de tout manichéisme, composé de personnages pour lesquels il éprouve une véritable empathie.
Son livre est sans prétention, si ce n’est celle de nous faire passer un agréable moment de lecture. En cela, le pari est parfaitement réussi. |