Spectacle théâtro-musical conçu et mis en scène par Susana Lastreto d'après l'oeuvre éponyme de Anton Tchekov, avec Juanita Boada, Alain Carbonnel, Hughes De La Salle, Hélène Hardouin, Nathalie Jeannet, Matila Malliarakis, Igor Oberg et Solange Wotkiewicz accompagnés par les musiciens Annabel de Courson et Jorge Migoya.
Que reste-t-il de nos vies, de nos amours, vécues ou inaccomplies, de notre enfance et des lieux magiques comme celui de "La Cerisaie" d'Anton Tchekhov ? Si la chanson de Charles Trenet ne figure pas dans la play-list des "variations chantées" qu'en propose Susana Lastreto, néanmoins elle la filigrane.
En effet, elle a conçu un spectacle théâtro-musical titré "La Cerisaie, variations chantées" en hybridant des extraits de la correspondance de Tchekhov de sa dernière année de vie, celle de la finalisation de cet ultime opus qu'il ne verra pas sur scène, qui en éclaire la conception, avec la partition originale resserrée.
De celle-ci, nonobstant sa qualification de comédie par son auteur, considérée, comme un instantané de la fin d'un monde, celui de l'ordre social tsariste, avec l'émergence du prolétariat, l'ambition industrieuse des moujiks libérés de la servitude et l'idéologie utopiste des jeunes intellectuels, Susana Lastreto propose une adaptation en-chantée délivrée à la manière d'un album de famille feuilleté avec tendresse et nostalgie au gré des photos un peu jaunies du passé d'où surgissent les visages familiers.
Ceux-ci s'ordonnent autour de la figure centrale de Loubov, descendante d'une riche et ancestrale famille de propriétaires fonciers qui a fui la Russie après des événements dramatiques, et a mené un vie dispendieuse à l'étranger, revient au domaine familial qui, largement grevé de dettes, va être vendu aux enchères refusant la salvatrice proposition d'un fils et petit-fils de serfs de transformer la propriété en lotissement estival. Susana Lastreto opte pour une mise en scène fluide avec des déplacements chorégraphiés et des scènes cinétiques façon zoom qui privilégie l'incarnation sensible des personnages à leur fonction archétypale et chorale avec, virevoltant entre eux, un juvénile Tchekhov en canotier.
Pour ce qui ressort tant à l'évocation qu'à l'invocation, suffisent quelques accessoires, des tenues estivales fin de siècle blanches comme la voile de parachute qui campe le décor, celui du manteau de neige d'hiver ou du tapis de fleurs blanches des cerisiers au printemps, et les ponctuations musicales composées et exécutées en live par Annabel de Courson et Jorge Migoya.
Et l'adieu à la Cerisaie est ponctuée de chansons puisées dans le répertoire de la chanson française vintage qui, de "Ce soir je pense à mon pays" de Marie Dubas aux "Eaux de mars" de Georges Moustaki, dont une très belle interprétation de "La solitude" de Barbara dispensée sur le mode polyphonique, sous-tendent un voyage et une immersion intemporelles.
Au chant et au plaisir du jeu choral, pour le plaisir du spectateur, une troupe émérite composée de Hélène Hardouin (Loubov), Igor Oberg (le vieux serviteur), Juanita Boada (la fille de Loubov), Nathalie Jeannet (Varia) et l'épatant quatuor multi-rôles formé par Solange Wotkiewicz, Alain Carbonnel, Hugues De La Salle et Matila Malliarakis. |