Puisqu’il est question d’amazones, il sera question de féminisme, contemporaines manifestantes au budget costume minimaliste, c’est sous-tifs dans les flammes et slogans sur les tétons qu’elles luttent contre l’oppression phallique. Elles étaient déjà devenues légendes du temps de Scipion l’ancien et Pline le jeune, et c’est au rang de mythe que nous relisons cette page de la mythologie grecque : les amazones.
Christian Rossi et Géraldine Bindi tracent un brillant hommage à cette civilisation mythique avec cette bande dessinée, Le cœur des Amazones. En variations de noir et sépia, sous le soleil de la péninsule héllenique, un peuple de femmes guerrières vit en autarcie, loin de la domination masculine et de l’esclavagisme d’une vie maritale.
Feutre noir et brou de noix de Christian Rossi soulignent la délicatesse des traits et dérompent les propos et actes parfois durs que tiennent les personnages. Dans une société fondée pour et par une autorité masculine, des femmes ont décidé de rester entre elles (je ne vous raconte pas les ragots qu’elles doivent s’envoyer…), et pour leur survie, rien de tel qu’une capture de mâles reproducteurs en bonne et due forme, suivie d’une orgie monumentale, de meurtres de masse et de grossesses anonymes.
Oui mais Penthésilée, reine de ces dames n’est pas seulement soumise aux lois de ses sœurs, une oracle au pouvoir aussi peu légitime qu’une pythie défoncée lui interdit les plaisirs de la chair de sangs mêlés, il lui faut du sang bleu, et c’est en la personne d’Achille qu’elle le trouvera. Avant de devenir complètement cinglée et d’enfanter d’un mâle. Damned ! Les bébés mâles rejoignent les ossements de leurs géniteurs avant leur premier cri… Oui mais Penthésilée ne l’entend pas de cette oreille.
Grand froid dans l’union féminine des guerrières sans cœur : elles ont un cœur aussi. Et c’est là que pointe la finesse du scénario de Géraldine Bindi, elle ne tombe pas dans la facilité d’une guerre des sexes, et c’est avec talent qu’elle donne volume et caractère à ses personnages, éloignant Le cœur des Amazones d’un duel tranché homme / femme.
L’histoire est nuancée et possède entre ses lignes l’inextinguible soif d’égalité pour laquelle s’élèvent trop peu d’humains. De la mythologie grecque, l’histoire devient fondamentalement contemporaine, de part ses débats sur le droit des hommes et des femmes à être les acteurs de leur destin, et non les sous-fifres de prétendus détenteurs de pouvoirs pétris de coutumes surannées.
Criant de modernité au cœur battant, Le cœur des Amazones rend à la mythologie sa véracité perdue dans les folklores à tutus. |