En certaines occasions, l'homme reprend parfois espoir. Et se prend à rêver d'un monde où les mélomanes se déplaceraient en nombre assister à des concerts inoubliables teintés de mélodies et d'accords...Un monde où Coldplay au POPB ne serait plus la seule alternative...Ou la beat box et les infra basses ne résonneraient plus.
Et dans un autre monde, l'alternative aurait pu s'appeler Malcolm Middelton, tête pensante de The Arab Strap.
Tête chercheuse, quoique rousse et barbue, toujours à l'affût de l'émotion et du frisson. Venu en découdre avec un public ayant - ma foi remercions Dieu - répondu présent, Malcolm offrait ce soir au Nouveau Casino son dernier coup de poker, Into the woods sur un tapis rouge.
Pas le genre à matraquer les ondes ou inonder le tube cathodique, la musique de Malcolm se la joue intimiste, excellemment soutenue par ses Delgados (soit la moitié des musiciens de Mogwai) et touche au sublime.
Art de transformer le glauque en émotion et le spleen en accord ("I'm only happy when I'm sad"), Malcolm Middleton livre donc ses dernières perles dans un écrin grand comme un étui à guitare. Guitares, il en est plutôt question ce soir, tant le songwriter sait marier les mots et les arpèges sur "Autumn", et faire oublier ses allures "droopiesques" avec une nonchalance so british.
Le teint rouge et les idées noires, Malcolm enchaîne donc les titres down-tempos comme autant de compte funèbres, et les "Break my heart", "Devastation" ou "Loveliness shines" imposent le silence. Porte qui grincent, cigarettes qui s'allument, bières qui s'ingurgitent…
Sans faire de la compassion son fonds de commerce, Malcolm parvient à émouvoir et combler un public pourtant peu acquis à sa cause. Electrique sur "Bear with me", acoustique sur "Monday night nothing", la moitié de The Arab Strap étonne par son jeu de guitare souple et limpide. Dur sur le manche, Middleton n'en reste pas moins doux dans ses chansons, et promet donc de bien belles choses dans les semaines à venir avec la sortie du nouvel album de The Arab Strap.
Pour l'heure, l'écossais redonne au songwriting un noble sens, joue de son allure dépressivo-tragique et donne de lui-même. Si l'occasion est hélas trop rare de croiser le chemin d'un artiste à fleur de peau, Malcolm réussit tout de même l'impensable : donner du bonheur avec sa tristesse.
Merci Middleton.
Changement de décor, changement d'humeur pour la deuxième partie assurée par Clem Snide, dont on peut dire qu'il représente aujourd'hui l'exemple parfait du rock indé US, entre l'Americana et un certain rock foutraque…
Eef Barzelay, chanteur pour le moins étrange, décalé, habité, joue le show et relève les compteurs.
L'électricité est bien là et Clem Snide prêt à faire chauffer la facture avec un "End Of Love" fraîchement sorti. "This is a song about the end of the world, so you can danse" clament ils haut et fort… Un groupe atypique comme on en fait plus et un chanteur hybride à mi-chemin entre Buddy Holly et Elvis (Presley ou Costello, rayez la mention inutile...) font de Clem Snide une attraction plus qu'enviable.
Banjo joué à l'archet, comme Jimmy Page en d'autres temps, et tenues de scène pour le moins originales achèvent le spectateur qui se promet de réécouter un groupe qui pourrait s'imposer comme la meilleure alternative à REM dans le monde du rock indé américain.
Le poids des mots, le choc des projos... Une bien belle soirée au Nouveau Casino… |