Patrice Nganang est un jeune écrivain camerounais déjà auteur de plusieurs livres dont Temps de chien qui a reçu les prix Marguerite Yourcenar et le grand prix littéraire d’Afrique noire. Son histoire avec son pays est compliquée, particulièrement avec le président Paul Biya. Expulsé récemment de son pays après avoir passé trois semaines de prisons kafkaiennes à Yaoundé, il s’est vu retiré son passeport et contraint à l’exil aux Etats-Unis. Ovationné par les autres détenus à son arrivée, on lui reproche d’avoir écrit des choses déplaisantes à l’égard du président de son pays. Il vit aujourd’hui aux Etats-Unis et enseigne à l’université de Princeton. Empreintes de crabe, son dernier livre écrit suite à son dernier séjour au Cameroun vient d’être publié aux éditions JC Lattès.
Le livre raconte l’histoire de Nithap qui a accepté pour la première fois de quitter Bangwa, un village à l’ouest du Cameroun, pour rendre visite à son fils installé aux Etats-Unis. Nithap est malade et son séjour va se prolonger chez son fils. Cela va être l’occasion pour son fils d’essayer de mieux connaître cet homme avec qui il a grandi. Nithap va alors prendre le temps de lui raconter l’histoire des siens et de son pays. Il va fouiller les mémoires de sa vie et de son pays, nous raconter les vies bouleversées par la guerre au moment de l’indépendance. Ses histoires vont nous parler d’amour et d’exil, d’un pays où le passé est une douleur, le présent un combat et où un chacun cherche sa liberté.
A travers ces retrouvailles entre un père et un fils, en même temps que le père combat la maladie, Patrice Nganang en profite pour nous retracer une partie de l’histoire douloureuse de son pays. Le titre, Empreintes de crabe, évoque l’emblème de l’Union des populations du Cameroun, parti politique fondé en 1948. Le roman alterne entre deux époques, le New York actuel et le pays Bamiléké situé à l’ouest du Cameroun.
Empreintes de crabe est donc un roman sur la guerre civile camerounaise des années 60 et 70, au moment de l’indépendance, une guerre que le fils n’a pas vécue et que va lui raconter son père. Guerre restée assez méconnue en France, le livre a donc le grand mérite de nous informer sur les enjeux de cette guerre, les différentes ethnies et les factions présentes dans ce pays. Il revient donc avec une grande précision sur la guerre livrée par les autorités françaises aux rebelles camerounais et qu’ont poursuivie les dirigeants politiques mis en place à la tête du pays après l’indépendance.
Patrice Nganang s’appuie sur de nombreuses références culturelles qui peuvent parfois s’avérer un peu fastidieuses à lire et ils utilisent aussi certaines expressions camerounaises dans ses écrits. Il décrit la violence subie par les populations camerounaises pendant ce conflit qui a fait des milliers de victimes. Il nous montre parfaitement que cette violence issue en grande partie de conflits interethniques fut entretenue par le pays colonisateur pour pouvoir conserver son autorité sur le pays. Il évoque enfin les liens et le rôle de la diaspora camerounaise dans le monde avec son pays.
Empreintes de crabe confirme donc bien la nature engagée de cet écrivain camerounais, spécialiste pour nous décrire les malheurs qui touchent son pays natal depuis bien longtemps. Il nous permet enfin de nous rendre compte que son pays est un pays beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Empreintes de crabe est donc un très bon livre pour ceux qui seront curieux de mieux connaître l’histoire du Cameroun, sous la forme d’un roman subtil racontant l’histoire d’un père et d’un fils. |