Nous allons commencer avec une petite pointe de provocation : Interpol est un groupe plus classe dans sa façon de s’habiller que dans sa façon de faire de la musique. Une musique malheureusement de plus en plus grossière, de moins en moins sophistiquée, une lente et indéniable descente aux enfers entre Turn on the Bright Lights (2002), disque non dénué de charmes venimeux rappelant The Chameleons jusqu’à l’atroce Our Love to Admire en 2007. Le quatrième disque Interpol sorti en 2010 sans être sensationnel nous avais permis de retrouver un groupe moins gonflé, au propre comme au figuré et une incandescence que l’on pensait définitivement perdue. Inutile de s’attarder sur El Pintor sorti en 2014 qui bousculait plus les lettres du nom du groupe que leurs habitudes et sentait (la même pas petite) mort du groupe.
Ce Marauder est comme une résurrection. Attention, rien d’exceptionnel non plus. Ne nous emballons pas ! Un disque ni abominable ni génial, en tout cas il ravive un peu, une flamme que l’on pensait définitivement éteinte. Et si l’on retrouve parfois ces fulgurances mélodiques, ce rock ombrageux et ces pressions ("The Rover", "Flight of Fancy", "If you really love nothing"), on perd trop souvent l’intensité, le magnétisme, l’atmosphère de tension (dans les choix des tonalités, harmoniques ou d’intervalles) qui nous avaient plu dans leurs deux premiers albums.
Marauder est un disque redondant, parfois lourdaud, manquant souvent de finesse avec une production signée Dave Fridmann (déjà aux manettes pour MGMT, The Flaming Lips et Mercury Rev) sans réelle valeur ajoutée, et c’est un euphémisme. Mais fallait-il encore en douter de la part de Friedmann ? "The Rover" est sauvé par un certain savoir-faire. Car Interpol n’est pas un mauvais groupe. On notera les rythmiques soignées de Fogarino, déjà en plein envol sur El Pintor, parfois presque teintées R&B, Motown ou de rubato ou comment le batteur devient le moteur du groupe et comble le départ du bassiste Carlos Dengler, véritable force du groupe avec son son de basse. C’est le seul point positif de la collaboration entre le groupe et Friedmann : la capacité de ce dernier à mettre en avant la batterie. Le départ de Dengler avait bouleversé l’équilibre musical du groupe. Est-ce pour cela que les lignes de basse sont presque inexistantes ?
La pochette de Marauder est une photo prise par le légendaire photographe américain Garry Winogrand : une photo représentant Elliot Richardson, l'ancien procureur général connu pour avoir démissionné après que Nixon lui ait ordonné de licencier Archibald Cox, le premier procureur spécial cité dans l'enquête Watergate. Ce disque ne changera pas les positions de chacun. Ceux qui détestent ce groupe n’auront aucune raison de ne pas continuer, ceux qui s’en moquent poursuivront également et quant à ceux qui adorent et bien tant mieux pour eux !
# 03 novembre 2024 :Pendant que l'on retient notre souffle
Une semaine qui verra, ou non, le monde basculer du côté obscure de la force, la force avec un petit "f". D'ici là cultivons-nous pour éviter de finir comme "eux". Et toujours Le replay de la MAG#91 disponible en attendant la #92 le 8/11...Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.