Spectacle de théâtre musical conçu par Irina Decermic et Jean Marc Barr d'après l'oeuvre éponyme de Léon Tolstoi, mise en scène de Goran Susljik, avec Jean-Marc Barr, Irina Decermic et Tijana Milosevic.
Dans l'oeuvre de Tolstoï, "La Sonate à Kreutzer" apparaît comme une toute petite chose, un drame intime, une petite scène tragique de la vie conjugale. Quand on la dissèque, on est devant un conte moral d'une grande rigueur qui raconte à quoi les affres de la jalousie peuvent conduire.
Dans son adaptation qui comprend quelques moments du "Journal" de Sofia Tolstoï, Irina Decermic, qui joue également la femme de Poznydhev, qui sera bientôt la victime de la jalousie de son mari, a voulu rester au plus près des sentiments bruts de cette tragédie qui n'aurait pu n'être qu'un vaudeville.
C'est évidemment sous les échos subtils du violon de Tijuana Milosevic qu'on entendra la "sonate pour violon et piano n°9", dite Sonate à Kreutzer, élément essentiel de la nouvelle imaginée par Léon Tolstoï
Droit comme un "i", barbu, se précipitant presque pour ne pas oublier une miette du récit dont il narre les péripéties aux passagers d'un train, figuré ici, par un petit banc, Jean-Marc Barr est un Poznydhev fier et content de lui-même, puis un être meurtri et offusqué quand il se plaint de la supposée trahison de sa compagne.
Dans la mise en scène de Goran Susljik, on le voit peu à peu basculer dans le soupçon, la rancoeur, la rumination pour qu'éclate enfin une vérité indiscutable que la musique n'adoucit pas : il est un mari trompé.
Le couple qu'il forme avec Irina Decermic est pourtant parfait et touchant avec chacun leur petit accent chantant. Mais on ne peut rien quand l'âme aimante devient tourmentée et cruelle. Suspense dont on connaît l'aboutissant, "la sonate à Kreutzer" se suit mot à mot comme l'oeuvre de Beethoven se suit note à note.
Jean-Marc Barr est un beau ténébreux à la cinquantaine rayonnante totalement crédible en grand bourgeois russe de l'ère tsariste. Ses partenaires féminines sont au diapason sont au diapason pour que ce petit moment littéraire née d'un immense auteur devienne un vrai instant de théâtre porteur d'émotions.
Sans être une œuvre majeure, quelle que soit la forme choisie pour la conter, "La Sonate à Kreutzer" se lit, s'entend et maintenant se voit avec l'intérêt qu'il faut porter sans cesse aux propositions fragiles et délicates. |