Pièces courtes de Harold Pinter, mise en scène de Robert Castle, avec Cylia Malki, Premyslaw Lisiecki, et Bruno Biezunski.
On pourra s'étonner qu'un spectacle Pinter puisse s'intituler "Le Pouvoir" puisque le dramaturge nobélisé n'a jamais donné un tel titre à aucune de ses œuvres.
Par ailleurs, si son théâtre est ancré profondément dans la réalité britannique et occidentale contemporaine, il n'évoque jamais frontalement la question du "pouvoir", mais en bon marxiste, passe par celle des classes sociales, puisque le pouvoir n'est qu'une "superstructure".
En fait, Robert Castle met ici en perspective quatre courtes pièces de Harold Pinter, qui s'échelonnent sur une trentaine d'années : Arrêt facultatif (1964), Précisément (1983), Un pour la route (1985) et Le Nouvel Ordre mondial" (1991).
Quand on parle de "pièces", on exagère peut-être puisqu'il s'agit à chaque fois d'une saynète. Dans l'adaptation proposée par Robert Castle, on aura d'ailleurs bien du mal à retrouver les thèmes et les personnages chers à Pinter dans ses "vraies" pièces.
"Le Pouvoir" se déroule dans une atmosphère sombre. Ludovic Hallard, le scénographe a créé un décor de trois éléments noirs pourvus en leur centre d'un écran vidéo. Les trois personnages qui traversent les quatre moments agissent et réagissent devant ces éléments affublés d'un logo avec l'acronyme NOM signifiant "Nouvel ordre mondial".
Dès lors, on cheminera sur la route de l'horreur, en partant des tortionnaires "chauffant à blanc" leur victime pour arriver à l'autre bout de la chaîne quand leur chef aux mains propres s'apprête à relâcher leur proie et justifie cyniquement son droit de vie et de mort sur ce citoyen tombé dans leurs griffes liberticides. Entre temps, on s'arrêtera pour fustiger la complicité silencieuse des uns et des autres et entendre la folle dialectique des comptables à la Eichmann.
Jouant tour à tour, les héros et les salauds,les coupables et les indifférents, Cylia Malki, Premyslaw Lisiecki et Bruno Biezunski ne sont jamais dans la caricature contribuant grandement à donner de la force et de la cohérence à l'ensemble.
Forcément manichéen, "Le Pouvoir" interpellera les plus jeunes sur des questions qu'ils ne se posent pas dans la société post-démocratique dans laquelle tout est tellement soumis à l'ordre naturel économique qu'il paraît aberrant de croire à l'existence d'un ordre politique arbitraire.
Evidemment cette trivialité, qui n'est pas l'essence de l'oeuvre de Pinter, devrait convaincre le public qui ne connaît pas le "Monte-Charge". Les autres apprécieront que Robert Castle se soit penché sur un Pinter inconnu même si, hélas, le message humaniste passe par une écriture assez ordinaire, bien loin de celle de ses pièces universellement reconnues. |