Entre rock speed et ska ralenti, Féloche est la commissure du rock-steady. Oui, évidemment, parce qu’il joue un tempo lent binaire, avec des contretemps marqués par la guitare à quatre temps scindés en cuivres acoustiquement lustrés de chants olympiens… frisés, bien entendus. Mouais…

Chimie vivante est son troisième album, il éloigne la portée du regard et fait frisoter la mandoline en sautillant dans les flaques. Féloche a l’air espiègle et le chant taquin, les textes (de sa main) ont le moelleux des coussins et le piquant de la limaille pour gratter les gamelles.

"Quand j’étais tout petit j’voyais tout en grand, et maint’nant qu’chuis grand, je me vois tout petit vu d’ici" ("Le miroir"). Déjà quand il chantait "Darwin avait raison", Féloche questionnait sur la théorie de l’évolution, et il continue aujourd’hui, parce que la vieillerie nous rattrape, mais avons-nous seulement la sagesse de regarder derrière sans regret et devant sans acrimonie ? "Moi je vois l’invisible et l’indicible aussi, c’est le calme plat et puis la tempête".

Il y a cette belle histoire de la fille malade qui décide de traverser l’Atlantique sur un bateau nommé TaraTari, "La force des petits, du courage jusqu’à l’infini, sous le vent qui dévoile dans l’eau de la nuit notre belle étoile", Capucine Trochet et sa volonté repousse les impossibles, et alimente l’espoir.

Ah, ce fichu espoir, celui qui se dérobe les jours de pluie et s’évapore dans les chagrins, Chimie Vivante le regonfle de percussions palpitantes et l’anime de sa mandoline magique. "On revient de loin, on revient changés, on revient de tout, on revient usés, on revient de loin, on revient changée, mais on ne revient pas des crocodiles" ("Crocodiles").

Féloche joue, avec l’insouciance des cours de récré, les cheveux au vent comme on dévale un toboggan, il rappe ("P’tite tête"), il murmure ("Je crie"), il parle, il rigole et il danse. Féloche pourrait être un super héros en mandoline, sorte de musicien chamane, formidable amoureux de ce qui se croque les bras ouverts, bâtisseur d’émotions, une Chimie vivante "composé de substances dont j’ignore le nom".