Monologue dramatique d'après l'oeuvre éponyme d'Emile Zola interprété par Catherine Sauval. C'est à un monument mal aimé de la littérature française du 19ème siècle que s'attaque Catherine Sauval avec "Nana" d'Emile Zola.
En effet, elle a eu l'ambition déraisonnable de vouloir dans un seul-en-scène évoquer une œuvre foisonnante, d'aucuns diraient moins aimablement un roman touffu, voire un pavé interminable.
Le résultat sera donc une bonne surprise pour les contempteurs de l'auteur des Rougon-Macquart : Catherine Sauval, dont on se souvient du très beau travail sur Jules Renard ("Jules Renard, l'homme qui voulait être un arbre"), réussit l'impossible exploit de donner vie et sens à "Nana". Son adaptation est limpide et rassemble en quelques dizaines de pages l'essentiel de la colonne vertébrale d'une somme de plus de cinq cents pages.
Car Catherine Sauval interprète des "vrais" extraits du roman. Celui-ci étant constitué d'une narration à la troisième personne entrecoupée de dialogues retranscrits, la comédienne peut s'en donner à cœur joie pour être le personnage-titre. Et elle ne s'en prive pas, donnant à Nana une véritable épaisseur.
Aidée par les subtils éclairages de Philippe Lagrue, elle est l'héroïne de la fange dans tout ce qu'elle a de plus sombre et de misérable qui finit par illuminer le "Grand Monde" du Second Empire finissant, dont elle est pour Zola une métaphore.
Entre grandeur et décadence, ombre et lumière, misère absolue et luxe total, elle franchit à toute vitesse les étapes d'un Tour de France dont le départ serait la plus sordide prostitution, les montagnes les rampes du théâtre et l'arrivée le demi-monde, celui du plaisir débridé, des hôtels particuliers de la plaine Monceau et des alcools fins et des mets raffinés de chez Maxim's.
Au passage, on découvrira dans cette version très bien élaguée que la prose dégraissée de Zola cache un styliste et que la langue française que l'on entendra par l'intermédiaire de Catherine Sauval est pleine de saveurs et de surprises.
Souvent objet cinématographique pour des superproductions comme celle toute en couleurs de Christian-Jaque avec Martine Carol, "Nana" ne perd rien de son écrin en passant de la profusion de décors au minimalisme imaginé par Catherine Sauval qui se met en scène sans jamais être statique.
Elle se sert constamment de l'espace de la salle et de la scène, créant une "Nana" jamais caricaturale, ni trop "Mimi" ni trop "cocotte". Elle se refuse à transformer sa voix et ce n'est que sur quelques inflexions de ton qu'elle passe de la gamine des faubourgs à la belle dame entretenue par le comte Muffat.
Catherine Sauval en est à ses premiers pas en Nana. Son aventure ne fait que commencer et elle est prometteuse. |