Comédie dramatique écrite et mise en scène par Macha Orlova, avec Viviane Jauffret, Jérome Rodrigues, Marie Céolin, Didier Forest, Victor Bas, Macha Orlova, Amélie Chauveau et le musicien Jean-Luc Gérard. Inspirée d’une histoire vraie, celle de la famille de Macha Orlova, auteure et metteure en scène du spectacle, "URSS 1970" propose une plongée poético-réaliste dans une kommunalka, appartement communautaire où cohabitent plusieurs familles placées là par le régime.
Manque d’intimité, de nourriture, de produits de première nécessité comme le savon, tout est à l’œuvre pour que les petitesses humaines s’expriment, entre commérages, décomptes des minutes de douche, délation et espionnage d’état.
Des scénettes entrecoupées de commentaires, blagues sur le parti et anecdotes sur la vie de l’époque d’un narrateur ouvertement critique (interprété par Victor Bas) tissent le fil des derniers jours avant l’exil de la famille Papova, qui après 2 ans de démarche a enfin obtenu le droit du KGB de partir rejoindre Israël. En effet c’est l’époque où l’URSS cédant enfin aux pressions américaines laisse partir - mais comme le montre le spectacle à contre cœur - les juifs dont la famille réside dans ce pays.
Dans la famille Papova chacun vit cet exil imminent de manière bien différente. En premier lieu Youri (Jérôme Rodrigues), le père, juif un peu rêveur réfugié dans ses livres et ses vers, excédé par les agressions de plus en plus ouvertes et les humiliations quotidiennes fuit un antisémitisme délétère.
Sa femme Lena (interprétée par Viviane Jauffret, très juste, très touchante), russe et beaucoup plus terre à terre, rêve d’un monde meilleur pour le futur bébé qu’elle porte dans son ventre, monde qu’elle s’imagine à l’image des films européens et américains dont elle connait chaque réplique par cœur.
Olga quant à elle (incarnée par la poignante Marie Ceolin), mère de Lena et qui entretient une relation très forte avec sa fille, ne peut s’empêcher d’aimer ce pays qui a vu grandir sa propre famille et où elle laisse une vie pleine de douloureux tout autant que tendres souvenirs.
Mais dans cet appartement il y a également le très intrusif Mr Ivan Ivanovitch (Didier Forest), le voisin, rongé par la solitude et la propagande et qui voit d’un mauvais œil un départ qu’il vit comme une trahison patriotique tout autant que personnelle. Anna (Amélie Chaveau) sœur d’Olga et Katia (Macha Orlova) amie belle et libre du couple, venant toutes deux faire leurs adieux, complètent la distribution.
Pour contrebalancer ce huis-clos empreint des menaces sourdes mais omniprésentes que font peser un monde intérieur et extérieur hostile, Macha Orlova s’est attachée à rythmer la pièce d’intermèdes musicaux dont certains joués à la guitare (par Jean-Luc Gérard) ou chantés. Ces moments de joie ou de poésie (avec en particulier un magnifique "Quand on a que l’amour" final dans sa version russe) soulignent à merveille l’ambivalence des protagonistes tout en rendant hommage à l’âme slave, empreinte d’exubérante mélancolie.
Si la pièce peine à trouver un souffle constant et une force dramatique ascendante, l’écriture tout comme le jeu des comédiens étant assez inégale, des trouvailles de mise en scène particulièrement bien senties, en particulier les passages au ralenti, marquent les moments forts d’un spectacle plein de potentiel. |