Comédie dramatique écrite et mise en scène par Ahmed Madani, avec Mounira Barbouch, Louise Legendre et Valentin Madani. Collégienne en classe de 3ème, vivant seule avec sa mère à Sevran depuis que ses parents se sont séparés quand elle avait huit ans, Nina Breton a du mal à se remettre de la mort de sa meilleure amie et traverse de plein fouet la crise d'adolescence.
A la suite d'une vidéo qu'elle découvre sur Facebook et qui la révolte, montrant des massacres d'enfants en Syrie, elle est contactée par un mystérieux Amar qui se dit combattant d'Allah. Conversant avec elle d'abord par messages, puis par Skype, il lui propose bientôt de la faire venir et de l'épouser.
Alors qu'elle est peu à peu endoctrinée par le discours d'Amar, la communication qui fonctionnait bien avec sa mère se coince soudain et Nina se renferme de plus en plus, changeant en cachette son look pour le voile puis pour le niqab. La pièce permet de prendre réellement conscience du contexte qui peut mener à un tel chemin et tout le mécanisme de la manipulation.
Le duo d'actrice est parfait. Louise Legendre est une Nina plus vraie que nature qui montre tous les tourments et les aspirations de cet âge difficile. Dans le rôle de la mère, d'une grande dignité, Mounira Barbouch est impressionnante d'émotion. Toutes les scènes entre les deux sont d'une justesse et d'une intensité formidables.
Racontée simultanément par la mère et la fille, "J'ai rencontré Dieu sur Facebook" évoque un sujet brûlant d'actualité mais plutôt que de donner une image anxiogène des pourvoyeurs sur internet, Ahmed Madani propose dans cette pièce de les démystifier.
Le personnage d'Amar, d'abord grotesque, apparaît finalement pathétique et désorienté à l'image d'une jeunesse perdue. Son discours, faisant miroiter à la jeune fille une vie de princesse dans un message qui mélange humanitaire, foi en Dieu et luxe à l'occidentale montre toutes les contradictions du personnage.
Valentin Madani, dans un jeu qui tire d'abord vers le burlesque apporte une gravité surprenante dans sa dernière scène (où il cite Shakespeare) montrant une autre facette de cet Amar imprévisible dont on perçoit alors le parcours.
Pour le moins "J'ai rencontré Dieu sur Facebook" pourra donner lieu à bien des débats, que ce soit dans le cadre scolaire ou familial. C'est tout le but de ce spectacle qui, avec une grande justesse de ton et malgré une intrigue un peu alambiquée, traite du sujet comme rarement il n'a été abordé au théâtre. Une bonne raison de voir cette pièce en plein dans notre temps. |