Pour tout vous avouer, je dois beaucoup au bassoniste Julien Hardy. Sans lui, et quelques autres, je ne serais pas devenu le musicien que je suis maintenant. Nous avons fait nos études dans la même classe instrumentale au conservatoire de Reims à la même époque. Nous avons joué en musique de chambre et à l’orchestre ensemble. J’étais un peu plus vieux que lui.
Je l’ai vu grandir, s’affirmer, exploser. Je l’ai vu entrer au CNSMDP, gagner les concours de Toulon et de l’IDRS, rentrer comme soliste alors qu’il avait à peine 19 ans à L’Orchestre National de France. Je me souviens l’écouter, le regarder avec plaisir et d’autant plus d’admiration, un peu comme Pablo Chavarría pourrait regarder Kylian Mbappé, que Julien Hardy était toujours d’une gentillesse, d’une modestie et d’une incroyable humilité. J’étais absolument fasciné par ses qualités d’homme et de musicien, sa facilité déconcertante qui cachait un énorme travail pour jouer les choses les plus difficiles. Alors avec acharnement j’essayais de l’imiter, d’approcher autant que faire se peut sa façon de jouer, d’appréhender, d’envisager la musique.
Il y a des rencontres qui vous marquent à vie, celle avec Julien (et Jean-François, Laurent, Mathieu, Vivian, Lola...) en fait partie. Surtout au-delà de l’intelligence de jeu, de cette véritable virtuosité, de la maîtrise instrumentale, il y a chez Julien Hardy cette intelligence musicale, ce sens du phrasé, de l’articulation, de la mélodie qui fait que le musicien n’exécute (quel vilain mot...), n’interprète pas seulement une pièce mais la sublime. Comment ne pas succomber à cette expression musicale tellement éclatante chez lui et que l’on retrouve dans la sonate tout en verve de Saint-Saëns ou chez celle plus méditative de Charles Kœchlin ? Comment ne pas être emporté par les inflexions pleines de contrastes du Sarabande et Cortège d’Henri Dutilleux ? Comment ne pas se laisser porter par les mélodies de Fauré, de Paul Jeanjean ou de Max D’Ollone ?
Et comme cette musique pleine d’esprit se joue à deux, il ne faudrait pas oublier de saluer les qualités musicales de Simon Zaoui qui fait bien plus que simplement accompagner. Le basson n’est pas contagieux, vous pourrez passer énormément de temps avec ce magnifique disque. |