Jude a t'il vendu son âme ?
Avec ce troisième album de Jude, nous avons le droit à une tragédie digne du mythe de Faust. Avec, dans la distribution, Jude dans le rôle principal et son label Maverick dans celui de Méphistophélès.
Pourtant, la collaboration avec Maverick avait bien commencé en donnant le désormais incontournable No One is Really Beautiful. Album éclectique, à la fois mélancolique et entraînant, rythmé et mélodique, sublimé par la voix de Jude capable d'envolées, il avait permis à son auteur-compositeur-interprète de se hisser au rang de songwriter surdoué.
Mais pour ce deuxième album, l'économie a repris ses droits et Jude se retrouve maintenant pieds et poings liés au label de Madonna qui veut rentabiliser son investissement.
L'intérêt commercial a pris le pas sur l'artistique. Brimé dans ses choix, notamment de chansons ("Cuba" une de ses plus personnelles, mais pas forcément la plus joyeuse, devait y apparaître), il reste un album mi figue mi raisin, avec uniquement 9 nouvelles chansons sur 12.
Pourtant, contrairement à tout ce que l'on peut lire à longueur d'article, cet album n'est pas foncièrement mauvais, c'est juste qu'il est décevant. Oh, bien sur, pour n'importe qui d'autre, je ne dirai pas cela, mais les premiers opus avaient tellement enthousiasmés que l'on ne pouvait imaginer quelque chose de moyen venant de lui.
Au rayon redite, on retrouve "Brad and Suzy" en version [Radio Edit] mais surtout inutile, "I do" apparaissant pour la troisième fois en trois album avec une mise en avant basse/batterie (pardon, boite à rythme), sans oublier "I will not die", en prise live, qui semble être là par défaut pour arriver à un nombre acceptable de chansons.
"King of Yesterday" et "Everything's Alright" sont les deux morceaux calibrés radio de l'album. Chansons pop aux refrains facilement mémorisables, la production est lisse, guitare électrique en avant, cuivres en prime.
Elles permettent néanmoins à Jude d'accéder aux ondes, mais avec la désagréable impression d'avoir trompé son monde.
Quelque peu dépité, dans un sursaut d'orgueil Jude parsème l'album de piques en direction de son label, sur la désillusion et les faux semblants de la célébrité ("Sit ups", "Oh Boy").
Quelques lueurs s'échappent cependant. Misant sur le minimalisme, c'est avec une chanson guitare-voix ("Red room") que l'on retrouve un visage plus vrai du songwriter californien et ce n'est pas un hasard si c'est le seul titre qu'il a produit ! "Indian Lover" enregistré live "somewhere in France", participe à cette tentative de sauvetage injecte une petite dose d'émotion dans l'ensemble très propre.
Il en ressort qu'un 6 titres aurait parfaitement fait notre bonheur. Mais puisque ce n'est pas le cas, on sort de l'album déçu non seulement pour ses oreilles mais aussi pour Jude, avec le sentiment d'un rendez-vous manqué.
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