MY BEAUTIFUL BOY
Réalisé par Felix Van Groeningen. Etats Unis. Drame. 2h01 (Sortie le 6 février 2019). Avec Steve Carell, Timothée Chalamet, Jack Dylan Grazer, Steve Carell, Timothée Chalamet, Jack Dylan Grazer, Maura Tierney, Kaitlyn Dever, Timothy Hutton et Andre Royo.
Coup de cœur du mois, magistral, poignant, intelligent. Je redoutais la déception après que Timothée Chalamet ait mis la barre si haut dans "Call me by your name".
Je craignais que cette nouvelle production où il tient le rôle-titre aux côtés d’un magnifique Steve Carell - décidément très présent sur grand écran en ce début d’année avec pas moins de trois films - ne lorgne d’un peu trop prêt sur le film de Luca Guadadigno puisqu’ils évoquent tous deux les relations père-fils.
Et bien mes questionnements se sont révélés parfaitement infondés. Parce qu’on assiste à l’éclosion d’un jeune comédien proprement exceptionnel, instinctivement doué comme avaient pu l’être Leonardo Di Caprio ou Matt Dillon à leurs débuts.
On fond littéralement à le voir évoluer devant la caméra pudique mais pas trop de Felix Van Groenigen. On se désespère de ne pouvoir lui tendre une main secourable lorsqu’il glisse inexorablement vers les abimes infernales de la drogue, pas plus qu’au père dont l’amour pour son fils l’amènera à comprendre qu’il faut le laisser plonger malgré le risque encouru, pour que son fils prenne enfin la décision de s’en sortir.
Presqu’un plaisir coupable à observer la beauté juvénile de cet acteur en proie aux pires démons existentiels. "Je n’y arrive pas", nous dit-il. "Je n’y arrive plus, malgré tout l’amour qui m’entoure".
Déchirant et lumineux, "My beautiful boy" catapulte Timothée Chalamet parmi les étoiles et peut-être même un peu plus loin.
VICE
Réalisé par Adam McKay. Etats Unis. Drame. 2h14 (Sortie le 13 février 2019). Avec Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Christian Bale, Amy Adam, Sam Rockwell, Tyler Perryn Eddie Marsann Jesse Plemons et LisaGay Hamilton.
"Les Aigles", tel est le nom que les journalistes avaient donné à cette engeance de l’administration américaine ayant sévi pendant plus de 30 ans, dès l’intronisation de Nixon à la tête de la plus grande puissance économique et militaire du monde. Reagan, les Bush père et fils...
Le film les montre tous, sous leur vrai jour, dans le secret des alcôves de la Maison Blanche, du Capitole et du Pentagone où les manigances font loi, où la loi se voit tordre le cou et l’âme pour justifier les exactions qui serviront les riches et leurs serviteurs, fut-ce au prix de la vie de centaines de milliers d’irakiens qui n’avaient rien à voir avec les attentats du 11 septembre.
"Vice" montre surtout ceux que l’on croyait être les seconds couteaux, œuvrant dans l’ombre et prêts à tout pour assoir leur hégémonie et leur idéologie déviante.
Donald Rumsfeld, incarné avec la bonne grosse dose de cynisme par un Steve Carell fielleux à souhait, fut sans doute le premier à tenir les rênes, intelligent, calculateur, roublard. Mais même lui sera surpassé par un bourrin alcoolique que la honte et la détermination de sa femme pousseront à se transcender au point d’atteindre le sommet.
En français comme en anglais, le double sens du mot "vice" raconte tout de cette histoire avec un grand H, empreint au plan formel d’une touche un rien 70’s que n’auraient pas renié Oliver Stone ou Michael Moore, avec la violence frontale du premier et la causticité du second.
On devine combien le réalisateur Adam McKay s’est amusé, traitant son sujet avec rigueur sans se prendre lui-même au sérieux.
LA FAVORITE
Réalisé par Yorgos Lanthimos. Etas Unis/Grande Bretagne/Irlande. Drame historique. 2h00 (Sortie le 6 février 2019). Avec Olivia Colman, Rachel Weisz, Emma Stone, James Smith, Mark Gatiss, Nicholas Hoult, Joe Alwyn et Faye Daveney.
On rêvait d’un héritier à "Les Liaisons dangereuses" de Stephen Frears. Bien des tentatives ont échoué. Celle-ci n’avait peut-être pas cette ambition et pourtant "La Favorite" de Yorgos Lanthimos flirte avec les mêmes sommets.
On y découvre une reine, perchée au sommet du pouvoir comme dans sa tête, capricieuse et cyclothymique, manipulée à son profit et à ses fins par une duchesse tenant le rôle de favorite. Mais pour combien de temps encore ?
Lorsque surgit une belle domestique, aristo défroquée, serviable et douce comme le miel, les envies et les amours d’une reine peut-être moins perturbée ou bécasse qu’il n’y parait, pourraient bien changer de cible.
Ce personnage de reine a valu un Golden Globe à Olivia Colman, récompense qui aurait tout aussi bien pu être décernée à ses acolytes Emma Stone ou Rachel Weisz, formant un trio féminin aussi brillant que machiavélique, sur fond de guerre franco-anglaise.
Le 18ème siècle, ses intrigues et ses intrigants, ses coups-bas et ses barons poudrés… S’attirer les faveurs du sommet du pouvoir est un jeu dangereux mais diablement existant.
GREEN BOOK
Réalisé par Peter Farrelly. France. Comédie. 2h10 (Sortie le 23 janvier 2019). Avec Viggo Mortensen, Mahershala Ali, Linda Cardellini, Sebastian Maniscalco, Dimiter D. Marinovn P.J. Byrne, Don Stark et David An.
"Green book" de Peter Farrelly présente sans doute les qualités que "Si Beale Street pouvait parler" ne possède pas. Le racisme dont les Noirs faisaient l’objet dans les années 50, même à l’égard d’un immense pianiste de jazz, est ici porté à l’écran avec beaucoup de subtilité.
Un pianiste de génie, donc, se paie les services d’un chauffeur blanc, temporairement privé d’emploi et méprisant ceux qui n’ont pas la même couleur de peau… sans raison, sans grande conviction, parce qu’à l’époque les choses vont ainsi.
Mais cet homme blanc aux manières mal dégrossies aura l’intelligence d’observer, d’écouter, au fond de profiter de ce que son patron sillonnant courageusement et dignement des états hostiles pour y donner des concerts, sera susceptible de lui enseigner.
Alors ses convictions vont peu à peu s’émousser. Et contre toute attente, la découverte d’un secret que cache son employeur, le rendra à son humanité, témoignant d’une compassion et d’une amitié dont on le pensait incapable.
Ce road-movie est une belle réussite porté par un tandem fonctionnant parfaitement ; il ne serait d’ailleurs pas étonnant que Viggo Mortensen récolte quelque trophée pour un rôle riche et tout en nuances.
LA MULE
Réalisé par Clint Eatswood. Etats Unis. Drame. 1h58 (Sortie le 23 janvier 2019). Avec Clint Eastwood, Bradley Cooper, Laurence Fishburne, Michael Pena, Dianne Wiest, Andy Garcia, Ignacio Serricchio et Alison Eastwood.
Eternel Clint Eastwood. Etre singulier s’il en est car comme les personnages qu’il signe et/ou incarne, pas exempt d’une certaine ambiguïté. On se souvient de positions limites ou surprenantes en matière de politique intérieure.
A croire qu’il prend un malin plaisir à dérouter ou à tester lui-même des opinions réactionnaires pour mieux les décrier dans son travail de réalisateur et d’acteur. "La Mule" confirme cette tendance. Eastwood filme et incarne un horticulteur assez mal embouché, raciste sur les bords, sans grande méchanceté pour autant et bien peu soucieux de sa famille, trop épris de son métier et des flatteries qu’il reçoit à l’occasion de concours.
On se demande comment un homme passionné par les fleurs, puisse en même temps faire montre de traits de caractère aussi déplaisants. Peu enclin à quelque forme d’empathie que ce soit à l’égard de son prochain, vous êtes parfois rattrapé par les aléas de la vie, au point de devoir trimballer de la drogue dans votre pick-up,pour le compte d’un puissant cartel.
Oh bien sûr la transformation, la prise de conscience, la rédemption ne s’imposent pas du jour au lendemain et ne feront jamais de vous un saint. Cependant, à l’automne de sa vie, lorsque les êtres les plus précieux que vous ne regardiez plus, tirent leur révérence, il est temps de se réveiller pour le peu qu’il vous reste.
Pour que votre existence ne se résume pas à un monceau d’égoïsme et ait servi à un petit quelque chose. Malgré la redondance, le spectateur suivra avec amusement et parfois l’envie de lui mettre quelques gifles, le parcours initiatique tardif d’un vieux con plus tendre que le cuir de sa peau tannée ne le laissait entrevoir.
SI BEALE STREET POUVAIT PARLER
Réalisé par Barry Jenkins. Etats Unis. Drame. 1h59 (Sortie le 30 janvier 2019). KiKi Layne, Stephan James, Regina King, Colman Domingo, Teyonah Parris,
Michael Beach, Aunjanue Ellis et Dave Franco.
"Moonlight", son prédécesseur signé Barry Jenkins, était une pure merveille esthétique et traitait avec pudeur et sans complaisance de l’homosexualité dans la communauté afro-américaine. On attendait donc avec impatience que le réalisateur nous revienne pour enfoncer le clou, cette fois-ci sur les questions du racisme et, plus originale, du mépris de classes teinté de bigoterie qui existe bel et bien entre certains Noirs des Etats-Unis. Mais le faux rythme, une jeune actrice un peu fade et contrite et une approche par trop esthétisante font glisser le film vers un maniérisme inutile.
"Si Beale Street pouvait parler" n’est pas totalement raté mais aurait mérité plus d’aspérités, plus de force malgré quelques scènes très réussies.
Vents d'Orage
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