Shelby Foote est un romancier et historien américain, admirateur de William Faulkner, auteur de nombreux ouvrages et de recueils de nouvelles. Il est l’auteur d’un ouvrage monumental, construit en trois tomes, non traduit en Français, écrit entre 1958 et 1975, intitulé La guerre civile, une Histoire. Quelques années avant l’écriture de cette œuvre, il publia en 1952, Shiloh, un ouvrage consacré à la bataille éponyme, qui se déroula entre le cinq et le sept avril 1862, en pleine Guerre de Sécession. Les éditions Rivages ont eu la merveilleuse idée de nous proposer une traduction de ce roman qui nous permet de découvrir un auteur de grand talent.
La bataille de Shiloh fut l’une des batailles les plus meurtrières de l’Histoire des Etats-Unis avec près de 3.000 morts et plus de 16.000 blessés. En pleine Guerre de Sécession, elle opposa les forces confédérées des Etats du Sud à l’Armée de l’Union Nordiste.
Ce n’est pas la plume de l’historien que prend l’auteur avec cet ouvrage mais celle du romancier, souhaitant construire une fiction pour mieux décrire l’Histoire. Avec Shiloh, Shelby Foote ne s’intéresse pas à la Guerre de Sécession en tant que tel mais à ses combattants, à leur ressenti au milieu des champs de bataille, pour mieux la dénoncer.
Avec Shiloh, il décide donc de leur donner la parole, autour d’un roman choral regroupant des personnages de fiction, des combattants issus des deux camps, ayant des grades, des origines sociales et géographiques différentes. Son écriture et les registres de langue différents qu’il utilise pour les témoignages des différents protagonistes permet aussi de dévoiler des capacités intellectuels différentes parmi les combattants, expliquant leurs rapports différents face à ce qu’ils vivent.
En alternant les témoignages des deux camps, Shelby Foote permet au lecteur de mieux appréhender les différences de points de vue des Sudistes et des Nordistes, même si les deux camps se rejoignent dans le fait qu’ils sont chacun persuadés du bien fondé de leur camp. Le livre est construit autour de six personnages et de sept chapitres, le premier personnage, un lieutenant sudiste, ouvrant et clôturant l’ouvrage. L’un après l’autre, un soldat, un capitaine, un sergent et un régiment nous déroulent la chronologie de ces deux jours de combat.
Dès le début de l’ouvrage, l’auteur, par l’intermédiaire du lieutenant Palmer Metcalfe, insiste sur l’inutilité de la guerre et de cette bataille que le lieutenant cherche par tous les moyens à éviter. Les témoignages suivants confirmeront alors le ressenti du lieutenant montrant la peur envahissant les combattants, la folie qui les touche, les corps mutilés et les morts qui s’accumulent dans un déluge de violence, poussant certains à déserter.
Shelby Foote déroule et entrelace les récits personnels de chaque personnage en y intégrant des éléments historiques concernant la bataille au travers de descriptions météorologiques et environnementales précises qu’il veut fidèles à la réalité historique, associées aux conditions de vie des soldats. Ces mots sont puissants et percutants pour décrire les maux des soldats, leurs souffrances et leurs peurs au milieu des horreurs qu’ils subissent. Il révèle l’absurdité de cette guerre et de cette bataille, les contours de la nature humaine et la violence des combats.
Tout est soigné dans cet ouvrage édité par Rivages, de la superbe couverture à l’excellente traduction d’Olivier Deparis. Au final, Shiloh se lit comme un roman, ce qu’il est après tout, tout en nous renseignant avec une précision diabolique sur la Guerre de Sécession. C’est bien là la force de la littérature que celle d’utiliser l’histoire pour nous conter l’Histoire.
Shiloh est un livre magnifique, tout simplement qui se devait d’être traduit en français. C’est désormais chose faite. |