"J’ai fait des vers fort courts, parce que la musique est toujours fort longue. (...) J’ai rendu mon style fort simple, parce que le rythme de la musique (...) vicie à force d’abonder en ornements superflus. J’ai appelé mon opéra Tarare (...)" Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Attention chef d’œuvre...
Grâce au chef d’orchestre et claveciniste Christophe Rousset, à son ensemble Les Talens Lyriques et aux chantres du centre de musique baroque de Versailles, le superbe Tarare d'Antonio Salieri vient de ressusciter sur scène et dans une magnifique version sur disque. On pourrait même dire de naître sur disque puisque cet enregistrement est une première mondiale. L’occasion pour Christophe Rousset de terminer son cycle des opéras français de Salieri composés pour Paris.
Tarare clôt donc cette trilogie débutée avec Les Danaïdes puis continuée avec Les Horaces. L’occasion aussi de réhabiliter un compositeur malmené par la postérité. Non Antonio Salieri n’a ni commanditer l’assassinat ni la composition du Requiem de W.A. Mozart. Une idée imaginée par Pouchkine et répandue notamment par Milos Forman et son Amadeus, alors que le Requiem est une commande du comte Franz von Walsegg zu Stuppach. Une cantate a même été écrite en commun par les deux compositeurs avec un certain Cornetti, sur les paroles du librettiste et poète italien Lorenzo Da Ponte. La cantate Per la ricuperata salute di Offelia salue le rétablissement de la soprano anglaise installée à Vienne Nancy Storace. Mais peut-être que son mauvais caractère n’a pas vraiment joué pour lui !
Né le 18 août 1750 à Legnano, dans la province de Vérone dans le nord-est de l’Italie, Antonio Salieri est le fils d’un riche bourgeois. A 16 ans, il part s’installer à Vienne. Là, il devient l’élève de Florian Leopold Gassmann, compositeur de la cour de Vienne auprès de Joseph II et chef d’orchestre de l’opéra italien. Auprès de lui, il apprend le violon, le chant, la composition et le contrepoint.
En 1774, il devient maître de chapelle de l’opéra italien et en 1778, maître de chapelle impérial. Personnalité incontournable de la vie musicale viennoise, sa notoriété lui permet d’être demandé à Paris ou à Milan où il inaugurera le théâtre de la Scala. Grand pédagogue, il créa le conservatoire de musique de Vienne et eu comme élève Beethoven, Schubert, Liszt, Meyerber ou Czerny. Il meurt à Vienne le 07 mai 1825.
Le livret de Tarare est de la main de Beaumarchais.
Dans un pays lointain aux saveurs d’orient, le tyran Atar voue une jalouse et une haine féroce envers Tarare, un soldat noble et généreux prêt à toujours rendre service aux autres. Atar ordonne d’enlever Astasie, la femme de Tarare et de l’amener au sérail. Aidé par Calpigi, un esclave italien gardien du sérail, Tarare parvient à sauver Astasie alors que le despote meurt de rage. Dans l’exultation générale, Tarare devient le nouveau roi.
A travers cet opéra, Beaumarchais allie esprit des lumières, amour, philosophie, jalousie, politique, trahison, altruisme, justice et folie. Surtout, il s’attaque à la monarchie et à l’Église et annonce la révolution à venir et en fait donc une satire de son époque. L’on peut s’étonner que la censure n’ait pas réagi de manière véhémente.
Pour Beaumarchais, il doit y avoir une primauté des mots sur la musique. Il apporte sa participation également aux débats sur la nature et les objectifs de l’opéra souhaitant lui rendre la grandeur et la puissance dramaturgique de la tragédie grecque. Salieri en fait un opéra très moderne pour son époque, qui s’écarte largement des canons du genre, presque dans la perspective de la musique de l'avenir, si ce n’est dans la forme que dans le fond stylistique. On y retrouve cette écriture qui ici se joue des genres (entre la farce et un côté plus dramatique), ce soin apporté à la prosodie et cette science du récitatif.
L’interprétation par Christophe Rousset, Les Talens Lyriques et les chantres du centre de musique baroque de Versailles donne à cette musique tout l’éclat qu’elle mérite. Une interprétation pleine de couleurs, de contrastes, de reliefs et de dynamiques avec une réelle conviction musicale autant pour les chanteurs que pour l’orchestre. Cyrille Dubois (Tarare) et Jean-Sébastien Bou (Atar) composent notamment un duo tout en opposition avec force engagement. Absolument indispensable.
Notre Dame qui renaît de ses cendres, la fête des lumières à Lyon, le spirituel est partout en cette quasi veille de Noël. Mais ce qui nous illumine chez Froggy's, c'est la culture ! Voici notre petite sélection hebdomadaire à partager avec vous !