Laurent : 11ème édition de Beauregard, 10ème à titre personnel, 9ème pour Froggy's Delight. On aime le site verdoyant, à côté d'un château, l'ambiance familiale et l'organisation toujours sans faille. Mais on remarque aussi qu'en 11 années, l'économie des festivals a changé. Non seulement le montant des contrats des artistes ont augmenté, mais il faut aussi garder des partenariats et et donc ouvrir la programmation à des artistes plus populaires, comme le montre le merchandising des artistes.
Or le rap taillé pour les radios est devenu la nouvelle variété, au sens ringard du terme. En conséquence, les noms de pas mal de groupes assez peu engageants émaillent la programmation de cette édition de Beauregard.
En raison d'un ralentissement sur le Pegasus Bridge à Bénouville, je rate MNNQNS en ouverture du festival. Vus l'année dernière Rock en Seine, c'est pourtant avec grand plaisir que j'aurais retrouvé le rock abrasif des rouennais.
J'arrive donc pour le set de Gringe qui joue comme à la maison puisqu'il a vécu une dizaine d'années à Caen. Le public est chaud, reprend volontiers les paroles des chansons de Casseurs Flowters, le groupe fondé avec son compère Orelsan. Un peu déçu par son premier album solo, je trouve par contre la prestation scénique agréablement tendue, malgré l'ambiance gloomy de la plupart des morceaux.
Je me déplace vers la scène John, pour le concert de Thérapie Taxi que je vais voir à reculons (entendu en me rendant vers la scène : "Je suis tellement émue. La dernière fois que je les ai vus, c'était le jour de mon anniversaire"). Faire patienter le public avec une chanson de Céline Dion puis une des Spice Girls donne une ambiance de boum des années 90, des années où plupart des spectatrices et spectateurs devant la scène n'étaient pas nés (entendu en attendant le début du concert : "J'adore ce groupe, je connais 3 chansons.
- Moi, je connais pas.
- Mais si, tu connais. On le passait en soirée. "J't'encule, j't'encule, j't'encule...").
J'avoue que dans les premiers rangs, histoire de prendre une photo, entouré de gamins, j'ai peur que l'acné ou les appareils dentaires ne soient des maladies transmissibles. Je quitte le lieu après quelques chansons. Le groupe me semble en mode mécanique, tout bien rodé par les dizaines de shows qui ont précédé celui-ci. En fin de concert, la reprise d'Aline au ukulélé donnerait presque l'impression que le dernier disque de Christophe, Christophe etc, composé de duos plus insipides les uns que les autres, est une réussite.
David me dit qu'il est devant Angèle. Ce que j'entends de loin me donne envie de m'éloigner encore un peu plus.
David : La pop acidulée d'Angèle s'est révélée rafraîchissante les deux premiers titres, puis lassante au bout d’un moment, voire énervant par son côté gnangan. Après, le quadragénaire que je suis n’est probablement pas la cible. Par contre, les enfants et nombreux adolescents autour de moi ont adoré.
Laurent : Je te confirme, je n'ai même pas pu approcher pour prendre une photo. Par contre, vu le peu d'intérêt que je portais à Angèle, je suis arrivé tôt afin de me placer devant, contre les barrières, pour les australiens de John Butler Trio qui, de manière inattendue, sont quatre sur scène.
David : Oui, les Australiens ont livré une prestation fort sympathique folk rock. On a eu un long solo qui nous a peu perdus au milieu du concert, mais sinon il y avait du rythme voire même un son groovie. Une prestation parfaite pour accompagner la fin de journée.
Laurent : Moi aussi, j'ai apprécié la performance de John Butler Trio. À la fois cool et sympathiques, mais en même temps bien pros techniquement. On sentait chez eux le plaisir de jouer, d'être face au public. Et d'ailleurs le public ne s'y est pas trompé. Ce n'était pas le groupe le plus attendu en cette journée, mais ça en a été un des meilleurs moments de la journée.
Pour Limp Bizkit, j'ai réussi à me faufiler vers les premiers rangs, et je n'ai pas été déçu du voyage (entendu en attendant le début du concert, dans les premiers rangs, là où généralement se trouvent les fans : "- Limp Bizkit, c'est un groupe français ?
- Ben non, ce sont des Américains.
- Je disais ça parce que, quand même, il y a aussi des bons groupes de hard français."
Les mêmes, un peu plus tard : "- Qu'est-ce qu'elles font sur la scène, là, toutes ces gonzesses ?
- Je sais pas. Elles ont gagné un concours ou c'est le fan-club.
- Tu crois qu'elles ont toutes couché ? Hahaha."
Toujours les mêmes, voyant les photographes arriver dans le crash barrière : "C'est quand même un chouette métier. Déjà tu ne paies pas, mais en plus tu as le droit d'aller prendre des verres dans les loges avec les artistes". Ami photographe, ton métier fait fantasmer).
C'est à ce moment-là que commence la purge Limp Bizkit. Le problème de ce groupe est de se prendre au sérieux alors qu'ils étaient largement plus mauvais déjà que Blink 182. Leur plus gros succès est une reprise, "Behind Blue Eyes" des Who, après avoir auparavant repris "Faith" de George Michael. Même la typo de leur nom est pompée sur Def Leppard.
David : Ils ont démarré par "Jump around" d’House Of Pain comme intro, et puis c’est vite devenu n’importe quoi. Fred Durst et ses lunettes volées à Maître Gims n’a pas de voix et leur son très 90's a vieilli. Il est vrai que Fred Durst a toujours été un peu ridicule dans son flow, mais avec les années c’est encore pire. Le groupe démarre des débuts de reprises puis s’arrête donnant au set un aspect complètement haché. Le pauvre DJ Lethal lance des interludes faits de samples sans imagination (ni conviction probablement). On a le droit à quelques secondes de White Stripes, de Pantera, puis une Marseillaise qui tombe comme "un cheveu sur la soupe" au milieu d’un titre. Au bout d’un moment, face à une telle prestation, on s’est même demandé si c’était pas des répétitions. En résumé, un mauvais concert.
Laurent : A mon avis, un des pires concerts de Beauregard en 11 éditions. Du foutage de gueule dans les grandes largeurs. J'avoue avoir été déçu par la prestation de Gossip ensuite. Une première chanson où tout le monde est enthousiaste, puis il a fallu attendre plus d'une demi-heure pour avoir l'impression que la mayonnaise prenait enfin. Ça fait quand même un gros ventre mou au milieu du concert. Les blagues de Beth Ditto sur sa perruque ne prenaient pas. Par contre, musicalement, l'apport de la basse était très important, donnant une couleur Talking Heads à la plupart des chansons. Ce n'est pas pour rien d'ailleurs que Beth Ditto a chanté quelques lignes de "Psychokiller".
David : C'était une de leurs seules dates en France pour fêter la reformation, et pour moi ça a été un vrai plaisir, malgré les quelques problèmes techniques qu'a rencontré le groupe. La voix de Beth Ditto est superbe. La reprise de Wham! ("Careless Whisper") avait une belle énergie.
Laurent : Je m'insurge ! "Careless Whisper", c'est George Michael. Par contre, la fin du concert était enfin à la hauteur de ce qu'on pouvait attendre de ce retour sur les terres normandes que le groupe connaît bien, puisque c'est leur troisième participation à Beauregard. Mais ce concert ne restera pas dans les grands moments du festival.
Dernier "concert" de la journée avec Fatboy Slim. J'ai toujours eu beaucoup de sympathie pour Norman Cook, déjà comme bassiste et voix additionnelle des Housemartins et en fait, parce que le Big Beat est un style qui me donne envie de bouger. Le mix qu'il a proposé était efficace, avec beaucoup de rythmiques africaines et pas mal d'autocitations de ses tubes (la montée de "Right Here, Right Now", les voix de "Rockafeller Skank"). Par contre, il ne cherche même pas à faire mine de mixer puisqu'il est plus souvent devant ses platines à taper dans ses mains pour encourager le public que derrière a poussé un ou deux boutons. De même, le show visuel vidéo est totalement raccordé au son, ce qui laisse penser que tout est enregistré à l'avance.
David : Il a offert un set puissant avec de beaux visuels. Il faut reconnaître qu’il a transformé la scène Beauregard en dancefloor, le public autour de nous dansait et passait un excellent moment. On a encore eu le droit à "Jump Around" d’House of Pain (décidément). Parfait pour terminer cette première journée.
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