This is not a safe place
(Wichita / PIAS) août 2019
1990, j'avais 21 ans et mon dieu à moi c'était Bernard Lenoir. Pas d'internet, quelques amis de bons goûts et une sélection de disques triés sur le volet que l'on écoutait en boucle pendant des semaines, des mois, loin de la frénésie zappeuse de notre 21ème siècle.
Ceci dit, je ne crois pas que "c'était mieux avant". C'était juste différent et on a pu alors apprécier plus que de raison tel ou tel disque simplement parce que nous en avions peu à écouter et qu'on les rinçait autant que possible. Fier de faire découvrir la nouvelle sensation pop rock à ses potes et de découvrir leurs trouvailles, toutes patronnées par ce cher Bernard donc et sa messe de milieu de soirée sur France Inter et un magazine qui était une bible à l'époque nommé "Les Inrockuptibles".
Bref, dans ces folles années "Creation Records" nous avions eu droit à quelques chefs-d'oeuvre donc, le Nowhere de Ride dont le "Vapour Trail" ne quittera plus nos oreilles et reste une pièce maîtresse presque 30 ans plus tard. Pour les retardataires, je vous invite évidemment à écouter sinon tout l'album au moins ce titre, comme il me paraît indispensable d'écouter le deuxième album de Ride, Going Blank Again qui regorge de tubes shoegaze qui n'ont quasiment pas pris une ride ("OX4", "Twisterella", "Leave them all behind"...). Ces deux albums sus-cités sont indispensables à tout bon shoegazer qui se respecte. La suite est légèrement moins glorieuse avant une fin de groupe précipitée après la sortie de Tarantula.
C'est en 2017 que Ride revient avec un nouvel album qui passera à mes oreilles en tout cas, totalement inaperçu. Deux ans plus tard donc, on se retrouve avec ce This is Not a Safe Place qui surfe sur la vague des reformations et du revival shoegaze. Reste à savoir si c'est pour de bonnes raisons dont la seule qui nous intéresse vraiment est de savoir si ce nouvel album est bien ou pas.
Alors soyons clairs, pour qui écoute encore Nowhere et Going Blank Again aujourd'hui, cela risque d'être légèrement décevant. Pourtant, l'essentiel est là mais sans pour autant se débarasser totalement de ce virage pop qu'avait pris le groupe avant sa séparation. On a de beaux sons, de belles guitares, quelques voix éthérées mais on ne retrouve pas (toujours) la verve et les sensations incomparables du début de leur carrière. Ce n'est pas plus mal d'ailleurs, car il n'y a rien de pire qu'un groupe qui s'auto parodie mais c'est vrai que les fans chercheront avant tout les similitudes, les souvenirs plutôt que de s'extasier sur les choix faits pas le groupe.
Sur ce nouvel album, on sort en effet des sentiers battus du shoegaze (et désormais conquis de mains de maîtres par Slowdive et son superbe retour en 2017) pour aller vers quelque chose de plus pop, plus axé sur les mélodies, même si l'intro de "R.I.D.E." laisse penser le contraire en nous laissant croire que l'on va se retrouver projeté sans autre forme de procès dans les early 90's. Mais cela ne dure pas et "Future love", le tube de ce disque est clairement pop et malgré un traitement des voix et des guitares façon shoegaze, on est plus proche de la brit pop que de My Bloody Valentine. Est-ce que cela en fait un mauvais morceau ? Pas du tout. C'est même très chouette et la voix nous fait replonger directement en 90.
Globalement, si Ride ne parodie pas Ride, on retrouve dans certains titres des clins d'oeil, des influences, de groupes comme les Cocteau Twins ("Ethernal Recurrence") ou de Jesus and Mary Chain ("Kill Switch"). On aura même droit à une sorte de ballade quasi acoustique sur "Dial Up" et ses bruits de modem, anecdotique avouons-le mais totalement régressif. Tout comme "Shadows behind the sun" qui a le bon goût d'être quasiment en fin de peloton et que l'on ne manquera pas de passer pour arriver à l'épique "In this room" qui termine le disque. Un morceau de plus de 8 minutes, il faut toujours un morceau trop long sur un album de shoegaze, qui ferme ce disque et nous donne des bouffées de nostalgie malgré son léger manque de panache loin des envolées d'un "Seagull" ou d'un "Mouse trap".
Le bien nommé et de belle facture "End game" semble nous dire que les jeux sont faits. En effet, Ride est un groupe que l'on a aimé et que l'on continuera d'aimer essentiellement pour cette raison, on ne peut pas haïr ce que l'on a aimé. Pas sûr néanmoins que This is not a safe place trouve un nouveau public, sinon par le biais de la découverte (j'insiste) des deux premiers albums du groupe, dans ce cas TINASP se positionne avantageusement dans le discographie du groupe comme le troisième album que l'on aurait aimé avoir à l'époque.
On ne tombera peut-être pas fou d'amour pour ce nouvel album de Ride, pas d'un amour inconditionnel en tout cas comme on pourrait le faire avec des groupes à qui on pardonnerait presque tout (Morrissey, New Order...) mais de la nostalgie bienveillante pour ce groupe qui fut une vraie bouffée de fraîcheur dans les années 90 et qui nous apporte ici notre dose nécessaire de plaisir régressif. Après Slowdive, Ride, reste à attendre le retour en grâce des Boo Radleys. Qui sait...
Décidémment ce mois de janvier est bien triste pour la culture. Marianne Faithfull a tiré sa révérence et c'est encore un peu de tristesse qui s'ajoute à celle plus globale d'un monde tordu. Il reste la culture pour se changer les lidées. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !