Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Henri-Frédéric Blanc, adapatation et mise en scène de Ludovic Laroche, avec Stéphanie Bassibey, Ludovic Laroche et Pierre-Michel Dudan.
Doté d'un don aigu de l’observation à la manière d'un facétieux ethologue et du sens de la formule, d'une écriture assassine extrêmement drôle et d'un humour souvent noir, le romancier Henri-Frédéric Blanc a trempé son stylo dans un cocktail détonnant de drôlerie et de causticité pour composer la pépite que constitue "Nuit gravement au salut" dont Ludovic Laroche assure une adaptation théâtrale émérite.
Ressortant à la comédie satirique sur le microcosme littéraire avec une ineffable étude de moeurs, la partition éponyme se double d'une comédie burlesque sous-tendant une réflexion philosophico-mystique à partir d'une situation extrêmement ordinaire tout en comportant plusieurs niveaux de lecture que la mise en scène de Ludovic Laroche a le mérite de laisser affleurer sans les imposer ostensiblement de manière à laisser ouvert le champ d'interprétation au spectateur.
L'argument : un homme, une femme. Un repas d'affaires entre un éditeur et une romancière. Cynique, mufle et graveleux, sans scrupules, il a réussi à la force du poignet avec des publications bas de gamme grand public et nivellement par le bas à l'image de la culture de masse et la section littérature est pour lui une danseuse pour laquelle il veut se payer sur la bête, ce qui en l'occurrence est d'autant plus prometteur de jouissance s'agissant d'une auteure.
Elle est jolie, et elle le sait, imbue d'un petit succès d'estime avec un premier roman et d'une présomption d'œuvrer en littérature, se pique d'honnêteté intellectuelle tout en usant sans état d'âme de ses féminins atouts pour nécessité pécuniaire.
Bénéficiant de dialogues savoureux et d'une dramaturgie soigneusement élaborée, l'intrigue ressort à la fois du classique et ludique jeu du chat et de la souris, dans lequel les rôles sont interchangeables, et du bras de fer entre abus de pouvoir et petits arrangements entre turpides.
En effet, les assauts des deux protagonistes adoptent un rythme de salves successives, qui, comme en matière militaire, permet à chacun non seulement de recharger ses batteries mais également de modifier sa stratégie, et donc de faire judicieusement évoluer le propos et de dérouter le spectateur sur un dénouement qu'il ne peut s'empêcher de vouloir anticiper, en raison de l'intervention d'un troisième personnage, le serveur, qui, n'est pas simplement là pour "servir la soupe".
En l'espèce, si elle ne s'avère pas inattendue compte tenu du chronotope, elle va bien au-delà du zèle ancillaire. Car, en effet, elle ne revêt pas des allures de figuration, à de se demander, rétrospectivement, s'il ne s'agit pas du rôle principal du point de vue de l'auteur, un auteur particulièrement machiavélique et habile pour qui Dieu n'est pas un fumeur de havanes mais un maître d'hôtel particulièrement fine gueule dont le comédien-baryton à la voix de stentor Pierre-Michel Dudan fait une composition ébouriffante.
Et elle est portée par la prestation sans faute des comédiens. Ludovic Laroche s'avère irrésistible en vrai faux maître de jeu qui lui offre un rôle en or pour un florilège de sentiments et de postures dans ce face-à-face avec la belle adversaire incarnée par Stéphanie Bassibey, resplendissante de beauté sensuelle, jouant parfaitement des vrais atouts et des fausses faiblesses de la gent féminine avec un art consommé de la rouerie.
Alors, match nul ou double KO ?.
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