Monologue dramatique d’après l'oeuvre éponyme de Patrick Declerk, mise en scène de Emmanuel Meirieu, avec François Cottrelle et Stéphane Balmino. Avec "Les Naufragés", le metteur en scène Emmanuel Meirieu et le comédien François Cottrelle ont procédé à l'élaboration d'un monologue dramatique à partir de l'ouvrage éponyme du psychanalyste Patrick Declerck qui retrace son expérience, dans les années 1980, au sein du centre d'hébergement et d'assistance aux personnes sans abri sis dans le Centre d'Accueil et de Soins Hospitalier de Nanterre.
Dans une scénographie imposante avec un monumental décor apocalyptique à la Mad Max conçu par Emmanuel Meirieu et Seymour Laval, une terre dévastée par une tempête de sable avec une carcasse de voiture mi-enterrée devant un ponton délabré auquel est amarrée la carcasse taguée d'un vaisseau fantôme, avec au centre un micro sur pied, un homme en haillons vient relater sa traversée de l'enfer.
Elle commence par une immersion à haut risque dans une "cour des miracles" dans laquelle ne règne pas la solidarité mais la loi des espèces dans son expression la plus turpide, celle du noyau dur des sans domicile fixe, les clochards en situation extrême qualifiée de "grande désocialisation".
Et le conduit très vite à exercer auprès de l'établissement dédié à Nanterre où sont conduits ces "naufragés" dont l'état plysique et mental irrémédiablement à une issue fatale à plus ou moins brève échéance.
Verbe fort et empathie contenue, François Cottrelle livre un constat presque clinique de la situation globale et de quelques cas particuliers édifiants dont celui de Robert, campé par Stéphane Balmino, aux airs du Puck shakespearien qui avait trouvé son havre de paix comme serveur au réfectoire et qui est tombé sur le "champ d'honneur" de la réinsertion, "le graal du travailleur social".
Et il délivre également les dénonciations de Patrick Declerck notamment quant au traitement infligé dans le centre précité, le "cinq étoiles au Michelin de la désespérance", qui d’accueil et de soins n'en a que le nom, à l'incurie des pouvoirs publics, au caractère saisonnier de l'aide humanitaire et à la militance normopathe.
Eprouvante, la partition, qui s'inscrit dans le registre d'un théâtre mémoriel pour "des hommes fracassés, sans paroles, sans histoires, sans traces", qui ont vécu sur terre leur descente aux enfers, s'achève dans l'épouvantable cimetière du centre de Nanterre. Sans la promesse d'une lumière car tout périra. |