Comme le dit si bien sy!, il est plus aisé de dire du mal d'un album que l'on n'aime pas que de dire du bien d'un album que l'on aime. Je dirais même qu'il est plus facile de dire du mal d'un album que l'on aime en fait. La mauvaise foi a toujours moins de limite que l'enthousiasme et l'envie de partager avec d'autre ce qui nous touche au coeur pour des raisons qui, parfois, sont bien trop profondes pour pouvoir les coucher sur papier.
Bref, tout cela pour dire que j'ai écouté le nouvel et premier album de Sarah Amsellem, Miracles, et que c'en est un, de miracle, tant on n'attend peu de la part de la musique française qu'elle aille côtoyer des styles que l'on a plutôt l'habitude d'entendre outre-Manche. Il y a des tas d'exceptions bien entendu, surtout dans le milieu pop rock, voire shoegaze mais là, dans le registre "trip hop" comme se qualifie elle-même Sarah Amsellem, c'est plus rare.
Il y a bien entendu les amis de TOOOD qui font cela très bien, je ne parle pas d'exception parmi une liste pléthorique mais de tendance. Il faut le reconnaître, la France n'est pas le pays du trip-hop. Les mauvaises langues diront que nul pays n'est celui du trip-hop et que la scène de Bristol époque Massive Attack et Portishead est la seule qui vaille le coup mais c'est un autre débat.
D'ailleurs, Miracles n'est pas réellement un album de trip-hop. C'est plutôt un ensemble de ballades tendances électro (mais toujours utilisée à bon escient pour mettre la voix en avant, sans jamais l'écraser du poids des boîtes à rythmes) articulées autour de la voix magnifiquement douce, sensuelle et envoûtante de Sarah.
A la première écoute, on est presque surpris d'entendre du français. En bon francophone, on se cache souvent en tant qu'auditeur, derrière la barrière de la langue pour apprécier dans ce genre de musique, le chant, la mélodie, l'ambiance, le voyage imaginaire sans se poser la moindre question sur le texte. Ici, on n'y échappe pas (mais je souhaite à nos amis anglo-saxons de ressentir la même chose en écoutant ce disque).
Heureusement, les textes sont à l'avenant tant de la musique que de la voix. Sarah nous murmure à l'oreille tout au long de ce disque des contes (de fées ? pas sûr) en français avec une prosodie toute particulière entre chant et récit. Quand Sarah se met à chanter, c'est souvent en anglais d'ailleurs. Souvent mais pas toujours, "Le silence" par exemple est chanté en français (oui, le silence... chanté... bref) et on trouve dans ce chant des parfums de Jeanne Balibar (en plus doux) tandis que le chant anglais comme sur "Cap vers les étoiles" évoque Beth Gibbons (en plus doux, aussi) dans sa période solo avec Rustin Man. Une voix qui fait d'ailleurs une grande partie du boulot pour charmer l'auditeur, voire le happer totalement dans l'univers à la fois onirique et poétique de Sarah. Une voix toujours sur le fil, chargée d'émotions et de sensualité qui nous portent tout au long de ces 9 titres.
9 titres seulement mais un voyage à refaire régulièrement en passant par la douceur de "Vue de l'intérieur" jusqu'à la mélodie quasi chamanique (on pense parfois à Pagan Poetry) de "Longer time" pour finir sur le titre qui donne son nom à l'album "Miracles".
Auto-produit, auto-écrit, auto-composé, auto-joué et auto-interprété, ce premier album de Sarah Amsellem est un beau caillou dans la mare de la chanson française. Une preuve que l'artisanat peut se hisser au rang de grosses productions, que cela peut sonner sans avoir de grands studio ou producteurs derrière.
Miracles est surtout un album de toute beauté, un peu en dehors des canons de la chanson française sans pour autant se fourvoyer dans le mimétisme de ses influences anglo-saxonnes. Bref, Miracles est une réussite autant qu'une surprise. Miracles est beau et je vous encourage à croire à ces miracles-ci plutôt qu'à d'autres bien plus hypothétiques.
# 13 octobre 2024 : Sur un malentendu ca peut marcher
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