Comédie dramatique de Sandie Masson, mise en scène de Patrick Azam, avec Sandie Masson et Eric Savin. Délicats et maniérés s'abstenir ! C'est une rencontre qui va faire des étincelles, une rencontre en mégawatts électriques que propose Sandie Masson.
Rencontre, c'est l'autre nom d'un combat de boxe et c'est dans ce sens qu'il faut qualifier le pugilat entre une tatoueuse et un flic. Chacun dans son camp, sur son tabouret, avant que le gong fasse défiler les rounds.
Personnages bruts de décoffrage, mais non dénués de subtilité et capables de beaux gestes, comme d'aller arroser les plantes de l'autre combattant, les deux protagonistes de cette histoire d'amour vache ne doivent pas perdre de temps. Car Sandie Masson a conçu un spectacle rythmé où se succèdent dans le désordre quelques coups, beaucoup d'étreintes, des chorégraphies et de jolis effets visuels vidéo.
Ce "conte urbain" est l'occasion pour l'auteure de jouer Lilas et de se mesurer à Adam, interprété par Eric Savin, vieux routier des scènes et des écrans qui trouve là un beau rôle de faux macho et de vrai quinqua enferré dans ses échecs amoureux et parentaux.
Les deux y mettent autant de cœur que s'ils jouaient dans une comédie musicale à la Minnelli ou dans ces comédie du remariage hollywoodienne avec Katherine Hepburn et Spencer Tracy. Plus ils s'embrouillent et plus ils se lient et puis... ils dansent.
Dans l'espace pas évident de l'Essaïon, Patrick Azam signe une mise en scène pratiquement jamais statique et Jean-Marc Hoolbecq crée pour eux une chorégraphie malicieuse dans laquelle ils sont aussi à l'aise que Ginger et Fred dans les leurs.
Pratiquant quelquefois des ellipses audacieuses, comme si on était au cinéma, Sandie Masson compte sur son spectateur pour accepter qu'elle n'ait pas écrit toutes les scènes utiles qui expliqueraient le revirement des sentiments d'Adam et de Lilas.
Elle a préféré éviter beaucoup de conventions théâtrales habituelles et elle a eu raison car si le sujet paraît convenu (un homme et une femme que rien ne rassemble finissent par s'aimer au-delà des préjugés de la première impression), il se révèle fort original dans son traitement.
Les chamailleries de Lilas et d'Adam font rire souvent mais "Fleur de peau" est une pièce qui sait aussi émouvoir et, sans avoir l'air d'y toucher, n'est pas loin d'exalter une poétique de la vie.
On lui prédit un aussi bel avenir que celui de ce couple ayant enfin cessé de jouer avec les allumettes. |