Déjà vus lors du Festival PZZLE en 2017 à Lille (puis avec le projet Le Réveil des Tropiques à l’édition 2018), le groupe Oiseaux-Tempête est toujours aussi particulier et pertinent. Cette fois-ci, c’est sur la scène du Club du Grand Mix de Tourcoing, rouvert il y a peu après 666 jours de travaux, Hosanna !
Ça serait facile de réduire cette soirée à une soirée "avant-garde", que du beau monde : Jessica Moss en première partie, du label Constellation, de The Silver Mount Zion Memorial Orchestra, etc, qui joue aussi du violon pour le groupe Oiseaux-Tempête, tête d’affiche donc, signés sur Sub Rosa, à la composition variable mais toujours les fondateurs Frédéric D. Oberland et Stéphane Pigneul (membres aussi du Réveil des tropiques, donc).
Sur cette tournée, sont : G. W. Sok au chant (The Ex), Mondkopf au synthé, Radwan Ghazi Moumneh (Jerusalem in my heart, producteur du dernier album des Oiseaux) au buzuk amplifié, et Jean-Michel Pirès à la batterie (The Married Monk, Bruit Noir, on y reviendra). Mais ça n’avait rien d’une soirée "name-dropping", juste des artistes riches de leurs vies diverses, des univers marqués qui collisionnent et créent une galaxie sonore multiple.
Ça serait facile aussi de réduire l’atmosphère à une transe habitée : nappes sonores, guitare et basse lourdes, saxo hanté. Mais ça n’est vraiment pas ça : c’est vachement plus organique qu’éthéré. Les sons orientaux se cognent à une rythmique quasi tribale, le violon perpétuel est plus un clou qu’on enfonce dans la paume. Mon tout est une sensibilité enrichie de voyages et de questionnements, qui s’exprime dans un son ample et très percutant.
Ça serait tentant aussi de tomber dans la facilité et évoquer la mélopée de G.W.Sok comme un prêche. Mais ça serait le genre de prêche asséné par William S. Burroughs, voyez, ce n’est pas qu’il va jouer à Guillaume Tel, mais malgré sa posture hiératique, il est bouillonnant, un récit d’intimité épique rendu à l’échelle d’une pensée plurielle, une mal-aisance toute occidentale ; je pense au titre qui ouvre leur dernier album, "He is afraid and so am I", qui s’avère être un texte de Mahmoud Darwich.
Et ça dit quelque chose du groupe, qui s’approprie des préoccupations de divers endroits troublés du monde, finalement humaines, que notre société se fait un devoir, voire un plaisir de glisser sous la moquette, toute culpabilité bue.
Comme l’autre dit qu’il faut céder aux tentations, trois que l’on va satisfaire :
- Dire qu’on s’attendait à Sylvain Joasson aux fûts et qu’on n’a pas été déçus par Jean-Michel Pirès. Et avoir rêvé un instant voir arriver Pascal Bouaziz, oui, je n’ai même pas honte (les deux batteurs sus mentionnés étant membres de Mendelson dont le troisième est disons la tête pensante).
- Dire qu’un combo Oiseaux-Tempêtes / Les Marquises ("Oiseaux-Typhon" ?), ça serait profondément intéressant de jungle et de sauvagerie.
- Dire surtout à quel point ces musique / chant / pulsation / impact / étirement / intelligence / diversité des courants d’influences et efficacité sont rares dans nos paysages sonores, et à quel point on attend 2020 pour les revoir encore dans nos contrées.
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