Réalisé par David Perrault. France. Western/Romance. 1h58 (Sortie le 26 février 2020). Avec Alice Isaaz, Kevin Janssens, Déborah François, Bruno Todeschini, Constance Dollé, Armelle Abibou, Maryne Bertieaux et Kate Moran.
Il serait facile de définir le deuxième film de David Perrault comme un "western à la française". A l'instar de son premier long-métrage, "Nos héros sont morts ce soir" (2013), où il rendait hommage à un certain cinéma français d'atmosphère ("Touchez pas au Grisbi" de Jacques Becker, "Bob le flambeur" de Jean-Pierre Melville) plus qu'au "policier à la française", ici, son cinéma s'apparente non pas au western mais à un cinéma historique hors métropole, un genre jamais vraiment défini, avec des fleurons comme "Coup de Torchon" de Bertrand Tavernier ou "Poussière d'Empre" de Lam lê, voir "Les Caprices d'un fleuve" de Bernard Giraudeau.
On pourrait presque parler de néo "cinéma colonial à la française" si quelqu'un avait eu l'idée d'en définir le genre. Edmond, joué par Bruno Todeschini, a emmené sa famille en Amérique du Nord, non pas forcément pour immigrer définitivement, mais pour faire de l'import-export de parfums français avec les riches habitants du nouveau continent. On l'imagine fortune faite ayant la possibilité de revenir en France.
Comme on est à la fin de la guerre de Sécession, et qu'il est par nécessité économique dans un état sudiste, le Missouri, où se trouve ses principaux clients, il est pris au piège. L'Empereur Napoléon III avait conseillé à ses sujets partis outre-atlantique de rester neutres dans le conflit Nord-Sud. Mais l'irruption brutale des "barbares nordistes" dans le Sud élégant rend cette position intenable : la famille française va donc chercher à gagner la côte pour revenir au pays.
C'est une longue marche, une errance inédite que filme le cinéaste en s'attachant aux rapports très tendus entre les membres de cette famille. S'il y a des éléments s'approchant du "western", ils découlent des activités pas toujours claires d'Edmond qui provoquent la colère d'une bande menée par Bettie (Kate Moran). On est alors plus, encore une fois, dans un registre imprévu, celui d'un fantastique historique, comparable à celui du "Pacte des Loups" de Christophe Ganz.
"L'Etat sauvage" de David Perrault est un film qui brouille constamment les pistes et ses registres puisqu'il ajoute encore une autre dimension : celle qu'on pourrait appeler "féminine", voire "féministe". En effet, à l'exception du père et d'un guide, tout le reste du groupe est composé de femmes : la mère, ses trois filles, et de la gouvernante-maîtresse du père, de surcroît noire sans que cela aboutisse à ce qu'on en attend car Perrault ne joue jamais la carte raciale.
En plaçant des acteurs français ou francophones dans des lieux et à une époque où on les a rarement ou jamais vus, celui-ci fait une nouvelle preuve d'originalité. Il en revient toutefois à un affrontement primaire entre cette entité française "off shore" et les méchants dirigés eux aussi par une femme étrange.
On sent que David Perrault, par ailleurs scénariste, se plaît à créer un climat inattendu, à placer d'excellents comédiens dans ce faux western et à construire tout ce qui découle de ses hypothèses de départ.
On se laissera ainsi porter par les péripéties de "l'Etat sauvage" de David Perrault, joliment filmées et rendues crédibles par une distribution quasiment sans faute où l'on découvrira en Kevin Janssens celui qui concurrencera désormais Matthieu Schoenaerts.
On se demandera aussi avec impatience où Perrault rebondira lors de son prochain long métrage... Suspense !
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