J’aime les ouvrages de Régis Jauffret depuis toujours. Il fait partie de mes auteurs français préférés avec Grégoire Bouillier. Je n’ai donc pas besoin de lire la quatrième de couverture de ses ouvrages pour savoir si je vais investir dans ses écrits. Qu’il nous propose des romans, souvent inspirés d’histoires vraies ou des microfictions, exercice littéraire dans lequel il excelle, à chaque fois je suis ravi par ses ouvrages.
Son dernier ouvrage, Papa, a une histoire particulière. En septembre 2018, l’auteur aperçoit dans un documentaire sur la police de Vichy son père, menotté entre deux gestapistes de l’immeuble marseillais où il a passé toute son enfance. Ils semblent joyeux alors que le visage de son père exprime la terreur. D’après le commentaire du documentaire, les images datent de 1943.
Régis Jauffret s’interroge. Son père ne lui a jamais parlé de sa vie de cet incident et il n’a jamais entendu dire par quelqu’un que son père avait eu affaire à l’occupant. Se considérant à juste titre comme un conteur, un raconteur ou même un inventeur de destinées, il lui semble alors avoir été conçu par un personnage de roman.
De ce silence paternel, aussi mystérieux qu’incompréhensible pour lui, Régis Jauffret en a fait un roman, un superbe texte d’à peine 200 pages dans lequel il va revenir sur son enfance, sur sa famille et sur sa relation avec son père. Il va enquêter sur cet évènement, chercher à savoir la vérité. Evidemment, la découverte de cet évènement va être l’occasion de redonner une nouvelle vie à son père qui n’a pas toujours été présent pour lui.
Comme on peut s’y attendre, Régis Jauffret est d’une grande sincérité dans cet ouvrage, ses propos sont souvent durs à l’égard de ce père avec qui il a peu partagé au final, pour des raisons qu’il explique au final dans le livre.
Pour ne pas faire de cet ouvrage seulement un livre de regrets et de remords, Régis Jauffret a fait le choix de nous offrir à la fin de l’ouvrage un moment de fiction où il invente des moments de plénitude, des conversations avec lui pour atténuer les frustrations. Celui lui permet alors, le temps de cet ouvrage, de se rapprocher de lui. Cette partie, qui clôture le livre est juste sublime.
Papa est un très bel ouvrage dans lequel l’auteur a voulu que son père ne soit pas celui qu’il a montré. Dans un registre intime qu’on ne lui connaissait pas, Régis Jauffret nous propose un ouvrage touchant, à la hauteur de ses ouvrages précédents. Il est aussi au final un hommage à ce père, un ouvrage, un ouvrage authentique dans lequel il se livre de façon extrêmement touchante. Avec cet ouvrage, son géniteur devient un père. Salutaire et bouleversant. |