Texte de Maurice Joly, adapté par Pierre Tabard et Fabienne Périneau, mis en scène par Hervé Dubourjal avec Jean-Pierre Andréani et Jean-Paul Bordes.
Maurice Joly, fonctionnaire d'Etat puis avocat, écrit avec Dialogue aux enfers un pamphlet contre le gouvernement afin de dénoncer l'absolutisme du roi Napoléon III, texte qui lui vaudra d'ailleurs bien des déboires dont deux ans d'emprisonnement.
Reprenant le genre illustré par Fontenelle du dialogue fictif entre des personnages d'époques différentes, il met en présence, sur une plage déserte du royaume des ténèbres, Machiavel, l'auteur du "Traité du Prince", représentant la politique de la force et Montesquieu, auteur de "L'esprit des Lois", représentant la politique du droit.
Comment Machiavel, homme politique et fondateur de la science politique moderne, peut-il convaincre Montesquieu, le philosophe des Lumières ?
Face à un Montesquieu atterré, Jean-Pierre Andréani, sobre et juste, Machiavel prend une belle dimension avec le regard affûté de Jean-Paul Bordes, excellent, qui transcende le personnage et nous dissèque la stratégie machiavélique, servir ses intérêts par l'emploi de méthodes amorales sous le couvert d'une apparence de moralité, qui s'avère tout simplement constituer le modèle fondamental de la stratégie de gestion appliquée aujourd'hui dans bien des domaines. La plume de Maurice Joly était particulièrement inspirée ; la démonstration est dense, fine et pertinente tout en conservant l'essence du dialogue et de la contradiction. Ce qui explique sa longévité même s'il n'a été monté qu'une fois en France à la Comédie Française au début des années 80.
Au Lucernaire, le texte "revisité" par Pierre Tabard et Fabienne Périneau dans une judicieuse optique de "fonction civique du théâtre" révèle son acuité et sa consternante modernité au regard de la vie politique contemporaine. |