Seul en scène écrit par Laura Léoni, interprété par Diane Prost dans une mise en scène de Laetitia Gonzalbes.
Qui de mieux que des femmes pour parler… des femmes. "La folle et inconvenante histoire des femmes" est née en effet de la rencontre fructueuse de trois artistes de talents.
Diane Prost, comédienne formée au Cours Florent et à l’initiative du projet, bientôt rejointe par Laura Léoni, auteure engagée et occasionnellement chroniqueuse culturelle pour L’Humanité, puis par Laetitia Gonzalbes, metteuse en scène remarquée de la Compagnie Kabuki ("Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde" et "Anna Karénine" qui abordait déjà les thèmes de la liberté féminine et l'homosexualité).
Tout est parti d’un constat implacable : des femmes dans l’Histoire, il n’est jamais, ou presque pa, question. Réceptacles de la fertilité des hommes, elles sont objets de plaisir ou objets tout court, esclaves, monnaie d’échange, vierges adulées, matrones respectées, putes, courtisanes, mères, sœurs, épouses mais rarement parties prenantes des grands évènements fondateurs et passés à la postérité. "La folle et inconvenante histoire des femmes" donne donc justement la parole à ces femmes, anonymes ou plus connues, réelles ou fictives, hétérosexuelles ou homosexuelles, pour raconter un autre versant moins populaire et moins brillant de notre passé, pour mieux comprendre notre présent. Dans un seul en scène loufoque, dynamisant et militant Diane Prost prête ainsi sa voix et sa flamboyance à une myriade de personnages féminins. Au programme ? Rien de moins que toute l’histoire de la condition féminine du Néolithique à nos jours. De Paypal, la femme des cavernes symbole de paix et monnaie d’échange, à Clamydia pute et néanmoins femme libre de Athènes, ou encore Hildegarde dame du Moyen âge et qui brûlera en enfer pour avoir osé penser mais pourra prendre le voile pour profiter sans ombrage de l’amour de ses sœurs (jugé inconséquent puisque à but non reproductif) c’est toute une galerie de portraits bien sentis et sans sentimentalisme qui se succèdent sans temps mort, sans oublier les Jeanne d’Arc, Olympe de Gouges, Georges Sand ou Colette. S’il y est question sans pudibonderie de sexualité, mais également du code civil et de droit de vote, les grands auteurs ne sont pas oubliés, tel Aristote qui décréta "une faiblesse ontologique et une défectuosité naturelle" de la femme ("Comme quoi on peut dire n’importe quelle connerie avec une toge et ce sera appelé de la philosophie" rétorque Laura Léoni par le biais de Diane Prost) ou encore Rousseau qui énonçait que "La femme est faite pour céder à l'homme et pour supporter même son injustice". Laetitia Gonzalbes signe une mise en scène fluide et maligne imaginée autour d’un simple vêtement (un pyjama de soie crème) qui devient tour à tour toge, habit d’homme, ou robe de courtisane et d’un écran de fond de scène où se dévoilent les créations vidéo de l’artiste Suki, synchronisées avec la performance de Diane Frost. Simple dessin évocateur d’une époque ou petite animation donnant la réplique à la comédienne, ces scénettes animées s’imbriquent habillement à la narration la rendant vivante et moderne, évitant ainsi le piège du soliloque poussif. Mais comment cette pièce pourrait-elle l’être, poussive, lorsque la plume de Laura Léonie se montre aussi volontiers insolente et ostensiblement sulfureuse ? Et si le propos, volontairement militant envers la cause homosexuelle, manque parfois de nuance, c’est toujours au service du ton et dans une volonté d’être percutant sans victimisation ni larmoyance, et donc d’interpeler un spectateur hilare ou agacé, mais rarement indifférent. Un grand bravo à Diane Prost, pétulante, sensible, mordante et aussi convaincante en nonne qu’en catin et qui mène à tambour battant cette odyssée féministe. |