Spectacle conçu et mis en scène par Christophe Barbier, avec Christophe Barbier, et, en alternance Sylvain Katan, Pierre Val ou Frédéric Lecat.
En ces temps irrespirables pour bien des aficionados du spectacle vivant, il fallait toute l'inconscience iconoclaste de Christophe Barbier pour s'imaginer qu'il pourrait rassembler une bonne chambrée pas encore décimée par le virus que l'on sait et suffisamment masochiste pour venir écouter des textes consacrés aux fléaux de l'humanité, peste et choléra en tête. Accompagné de deux acteurs rompus à la commedia dell'arte, aux textes classiques et même à l'incarnation de personnalités réelles comme le professeur Raoult ou Edouard Philippe, il s'est donné la belle mission, qui paraissait hautement impossible, de distraire du malheur par le malheur ses contemporains qui ont osé tenter l'expérience Car il s'agit d'une véritable expérience où le normalien à l'écharpe rouge a décidé de mouiller sa chemise noire et son masque blanc de docteur au long bec à l'aide de savants fous, comme Antonin Artaud, qui affirmait que seul le théâtre pouvait vaincre la peste. Et, au lieu d'une brillante et banale causerie sur le covid, il a conçu un spectacle alerte et plein de santé où il a convoqué des soignants de haut vol. Il a préféré Sophocle à Hippocrate, Claudel à Henri Mondor, Ionesco à Knock, Artaud au Docteur Mabuse, Shakespeare à Ambroise Paré, Copi au Docteur House et bien entendu Molière à Diafoirus... Derrière leurs beaux masques italiens plutôt que ceux qu'on voit trop en ce moment, Sylvain Katan et Pierre Val (ou Frédéric Lecat) bondissent, crient, font les clowns, répondant aux injonctions d'un Barbier Monsieur Loyal. On lui pardonnera ses parti-pris actuels, surtout si on fait partie des amis du pagnolesque Docteur Raoult, et on appréciera les textes dont il fait donner de larges extraits, comme "Jeu de massacre", un Ionesco qu'il a raison de réhabiliter. Ce fin connaisseur du théâtre ira jusqu'à "Une visite inopportune", peut-être l'ultime chef d'oeuvre de Copi. Sans doute faudra-t-il, pour en saisir toutes les subtilités, se procurer le texte de "Le Grand Théâtre de l'épidémie" car les trois protagonistes n'ont pas le souffle court ni le corps moulu des victimes de ce virus qui pensait en avoir fini avec le théâtre. Que nenni ! Pas besoin de vaccin, simplement quelques piqures de rappel sous forme d'applaudissements, et l'art théâtral peut résister aux plaies mortelle
Puisse le spectacle de Christophe Barbier inoculer à ceux qui viendront le voir une immunité permanente contre ce mauvais plaisant, cet ami des médecins de Molière, qui n'aime pas les rires qui, il le sait, viendront finalement à bout de lui. |