Bienvenue dans le monde de Nosfell, ou plutôt de Labyala Fela Da Jawid Fel, "celui qui marche et qui guérit".
L'histoire que se plaît à raconter Nosfell remonte à l'époque où un certain Darazdeblek gérait Kayoun, petit village de Klokochazia, situé dans la région de Chimdega. Darazdeblek, allant contre les règles établies, voulut un jour apprendre la musique aux enfants et fut chassé pour son audace.
En quittant le village, on dit qu'il aurait soufflé une mélodie à l'oreille des enfants, devenue depuis le thème traditionnel du pays. C'est lui qui aurait donné naissance à cette famille dont Nosfell est un descendant, et qui possède le don de marcher et de guérir. Mais Labyala Fela Da Jawid Fel c'est aussi, selon l'humeur du chanteur, "mon ami précieux" en klokobetz, cette langue inventée originaire de Klokochazia. Le parallèle avec l'image du griot est néanmoins plus que convaincant : pieds et torses nus, ce poète et musicien ambulant semble être le dépositaire d'un nouveau genre, émissaire d'un pays et d'une culture connus de lui seul.
Ce monde il l'a en lui depuis toujours. La musique est un vecteur, celui qu'il a choisi pour s'adresser au monde et véhiculer des émotions, via une langue inconnue et incompréhensible, bien plus que des idées.
Dans ce premier album autoproduit et réédité en 2005 par V2, Nosfell nous propose d'entrer dans son univers, celui de Klokochazia et de Darazdeblek, à la frontière entre rêve et réalité, entre l'anglais et le klokobetz. Il ne l'impose pas mais invite à le pénétrer et à se l'approprier, chacun à sa façon, en fonction de ce qu'on est, ce qu'on a lu, vécu, entendu. Il suggère plus qu'il n'explique et c'est sûrement ce qui rend son auditoire si éclectique.
Difficile de savoir à quel saint se vouer avec Nosfell, aussi étrange et insaisissable sur scène qu'en interview. Une rose des vents et un renard tatoués sur l'épaule, son pays imaginaire dans le dos, une démarche de félin, cette attitude et cette façon de parler si particulières font de lui un personnage hors du commun et de la scène française actuelle.
Monument de créativité, il est à la fois compositeur, auteur, interprète et arrangeur. Il maîtrise et explore les multiples possibilités de l'autosampling, technique consistant à s'enregistrer afin de superposer des sons, capturer des parties instrumentales ou des interventions vocales. L'effet est surprenant. Tant sur l'album qu'en live, l'intensité et la densité dégagées par la musique sont telles qu'on a du mal à admettre qu'ils ne sont que deux. Car c'est désormais à deux qu'ils évoluent, lui et Pierre Lebourgeois, violoncelliste et bassiste qui collaborait notamment avec Bertrand Belin.
Capable de grimper très haut dans les aigus et de redescendre dans les graves l'instant d'après, Nosfell étonne par l'étendue de sa palette vocale mais aussi par son talent de guitariste.
Dès le premier titre, “Children of Windaklo”, on découvre une atmosphère envoûtante qui ne fera que se confirmer tout au long de l'album. Tous les morceaux méritent que l'on s'y attarde et recèlent de trésors vocaux et instrumentaux. Parmi les plus saisissants, “Blewkhz gowz”, dialogue entre deux personnages, “Mindala jinka”, comptine klokobetz servie à merveille par un riff de guitare régulier et récurrent, “The wise left hand” et surtout “Jaün sev' ¨ zul” qui mêle sons captivants, voix lunaire, violoncelle ensorcelant et cris gutturaux.
Une expérience magique donc, et un seul regret : que l'opus ne dure que quarante cinq petites minutes.
Après deux ans de tournée en France mais aussi à l'étranger, Nosfell se consacre à la préparation de son nouvel album. Aucune info disponible à ce jour. En attendant, la sortie d'un DVD est prévue mais la date encore inconnue. |