Mémoires d'un enfant de 300 000 ans
(Pintival / L'Autre Distribution) octobre 2020
Sérieux, "ça s’peut pas d’être un enfant de 300 000 ans", et pourtant, Imbert Imbert en a fait le thème de son nouvel album Mémoires d’un enfant de 300 000 ans. Nostalgique ? Amer ? Ou cynique ? Rien de tout ça et un peu des trois.
Avec son crane de punk à chien et sa contrebasse tenue comme un rempart au monde, le personnage a de quoi déstabiliser. La faute aux préjugés… Du haut de ses quatre albums, il a été tellement amoureux à en avoir l’air d’un con, pas totalement blasé, mais un peu quand même. L’artiste a aspiré à la tranquillité d’une vie simple faite de sexe, de drogues et de girolles, sans tumulte ni mouton.
Dans ce cinquième album, il veut "parler de la mémoire dans tout ce qu’elle nous permet d’oublier, ou plutôt de ce qu’il reste après l’oubli : une infinité de savoir désordonnés, innommable, une sensation du Big Bang, de l’atome, de la plante, de la bête, de l’humain".
Sobre et sincère, Imbert Imbert égrène ses notes en une pluie acide sur les longs gémissements d’un archer sanglant. Il chante l’amour et ses airs de cruauté, l’enfance et les traces qu’il en reste. Mais le sujet central reste la fresque désenchantée de l’univers que nous foulons. En commençant par les images racoleuses destinées à pulvériser l’audience, aux décomptes morbides, en passant par les mensonges et l’hypocrisie…
"La farce de l’humanité, Les raz de marée, Les catastrophes du J.T. me font marrer, Mais pas touche à la mouche, au lapin, à l’oiseau, Au bébé kangourou, aux petits doigts fragiles, Ou je pleus des torrents à inonder le monde, De toutes les larmes de tous les crocodiles." ("Tous les crocodiles")
Pessimiste ? C’est possible. Réaliste ? Assurément. Le propos acéré n’en reste pas moins libre, une façon de prendre son cœur à deux mains et de saisir la plume et l’archet pour ne pas finir dévasté. Pour les rêveurs et "ceux qui savent qu’ils ne savent rien et qui s’en accommodent, avec l’enthousiasme des enfants qui se roulent dans la boue pour le plaisir de découvrir toute la liberté qu’il y a à ne rien attendre de plus de la vie que de la goûter toute entière".
Alors oui, bien sûr, il y a aussi la musique, ces sifflements tirés de la syntaxe de la contrebasse tantôt caressée, tantôt houspillée, entre chanson, jazz et rock. De la corrosion dans le style et de l’érosion dans les larmes, Imbert Imbert fait de l’Enfer une confidence et de ses morsures une jouissance.