"Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin ;
Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère ;
Elle entrait, et disait : Bonjour, mon petit père ;
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe.
Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,
Mon œuvre interrompue, et, tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée,
Et mainte page blanche entre ses mains froissée
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.
(...) Et dire qu'elle est morte ! Hélas ! que Dieu m'assiste !
Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste ;
J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux."
"Elle avait pris ce pli..", Victor Hugo
"Cela commence par un sourire, continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l'abîme." Victor Hugo
C’est souvent de la mélancolie que naissent les plus belles œuvres... Pour le bassiste Sylvain Daniel, c’est la séparation avec la mère de ses enfants, et la lecture de Pauca Meae, le livre IV des Contemplations de Victor Hugo qu'elle lui avait donné qui est le déclencheur de ce disque. Il y est donc question de souvenirs, de la disparition de l’amour et son deuil, d’interrogations sur la famille, son rôle de père et le lien filial.
Cette mise en musique inspirée des mots d’Hugo, nous porte vers des rivages captivants, fascinants, d’une grande intensité.
En 2016, nous avions énormément aimé Palimpseste - Voyage imaginaire dans les ruines de Detroit, très beau road trip musical où se mêlaient les sons de la Motor City avec Laurent Bardainne aux saxophones, Manuel Peskine aux claviers et Mathieu Penot à la batterie.
Pour ce nouveau petit bijou, Sylvain Daniel est cette fois accompagné de Guillaume Poncelet (trompette), Sophie Agnel (piano, synthétiseur Juno), David Aknin (batterie), Johan Renard et Anne Le Pape (violons), Cyprien Busolini (alto), Jean-Philippe Feiss (violoncelle) et Olivier Augrond (voix).
Notre avis ne change absolument pas avec ce nouveau disque sombre, introspectif, écorché, mélancolique, impressionniste, poétique. On y est comme happé par cette écriture sophistiquée, par ce travail sur les ambiances, sur les sons en adéquation avec ce que souhaite exprimer Sylvain Daniel. Il y mélange les esthétiques, classiques et jazz, notamment avec l’utilisation d’un quartet de jazz et d’un quatuor à cordes. Il vient de la musique classique, l’idée d’utiliser et d’écrire pour un quatuor à cordes est donc naturelle, et comme il joue du jazz depuis longtemps, l’utilisation du quartet l’était tout autant. Un challenge aussi pour lui d’écrire pour un ensemble "classique".
Le tout pensé comme un lien entre ses deux "mondes", absolument pas antagonistes.
Nous sommes donc en "contemplations" à l’écoute de ce disque magnifique !