-Paris, quelque part
L'un dit à l'autre :
-"Dis donc, t'as entendu parler du nouveau buzz qui vient d'Angleterre ?"
"Un groupe à cheveux longs, avec un préfixe en "The" je présume, le genre qui te dit qu'ils font du rock pour oublier les sales boulots et que leur premier album n'a rien à voir avec le brit' pop, le neo-glam ou l'Emo rock ?"
Dans sa fonction, le rock-critic adopte par réflexe une posture défensive sur les nouveaux groupes anglais. Les relents de la guerre de cent ans sans doute… Peut être aussi la surconsommation de produits surmarkétés aux cheveux gras.
Le premier (hystérique) :
-"Non mais là, je crois que tu comprends pas. Ils ont rempli les concerts avant même la sortie de leur album. Whatever people say I am, that's what I'm not s'est vendu comme comme des petits pains là bas. Et leurs concerts font penser à l'hystérie des Beatles à l'Hollywood Bowl en 64 ! Ecoutes Fake Tales of San Franciso, l'ad lib est digne du Hey Jude de Mc Cartney, des guitares surpuissantes et innocentes belles comme…Le premier Oasis ! T'imagines qu'ils ont rempli le concert du Trabendo en seulement quelques heures. Le concert est fin février !!!!"
L'autre (un peu perplexe) :
-"Ces noms à rallonge, ça me fait penser au "Supposed former infatuation junkle" d'Alanis Morrissette… Ca sent pas bon ton histoire. Encore une supercherie des labels en manque de recettes pour convaincre le public d'acheter des disques surfaits, où la prétention de ses auteurs n'a d'égal que la vacuité de leurs mélodies bêlantes, belles comme…Le dernier Oasis !!!"
Avouons-le : l'écoute de Whatever people say I am, that's what I'm not, c'est un mélange diffuse de plusieurs émotions. L'impatience du groupe possédant enfin la bombe H , capable de tout dévaster, changer les modes, changer les gens, comme 60 ans auparavant.
On y croit, on fouille derrière la peau acnéique des mousquetaires de Sheffield et l'on trouve quatre esprits bravaches ayant composé des hits et des tubes taillés pour le dancefloor. Ils n'ont même pas l'âge légal pour y rentrer…
L'adolescence a ses faiblesses, ses inconstances. Un début en fanfare avec quatre chansons qui laisseront l'auditeur sur le cul ("The view from the afternoon", "I bet you look good on the dancefloor", "Fake tales of San Francisco", "Dancing Shoes"), et puis quelques errances.
Une longue traversée du désert jusqu'à "From the Ritz to the rubble". De longues cavalcades menées par un tempo surhumain pour de si petits bras, des guitares qui galopent en free wheelin' dans la nature, une voix terriblement mature...
Abuser des superlatifs et des comparaisons ne rendrait pas justice à leur musique. Ces singes de la banquise ont un avenir devant eux.
Des soirées et des groupies moites comme un T-shirt, quelques lignes de poudre blanche et quelques excès plus loin, les Monkeys se feront sans doute un nom. L'urgence des treize chansons se fera plus soft, comme les Franz en leur temps avec You could have it so much better.
Un autre titre à rallonge tiens. Et la même envie de faire danser la foule en transe. Des mélodies légères, signées sur le même label.
Allez, oui, on veut bien y croire au renouveau du rock, à l'ouverture des portes de la perception. Que les Monkeys s'engouffrent dans le courant d'air. |