Au début des années 90, aux termes d’un contrat d’une année, Amélie intègre une importante entreprise japonaise en tant que traductrice dans laquelle ses origines et son éducation occidentales la conduiront inéluctablement de charybe en scylla jusqu’au poste ultime de dame-pipi. La jeune Amélie-san ne comprend que trop tard, en fait à chaque étape de sa dégringolade professionnelle, qu’elle a omis de penser et d’agir en fonction des préceptes nationaux

Sa position de franc-tireur l’amène à encourir une répression constante et acharnée par le groupe qui ne peut toléré aucune transgression ni remise en cause des principes auxquels il s’est soumis d’autant plus émanant d’un occidental de sexe féminin de surcroît. Elle encourt notamment les foudres de son supérieur directe, une femme qui a obtenu de haute lutte le poste, qui exerce sur elle une fascination quasi-amoureuse mais aussi le sadisme propre à ceux qui en ont souffert.

Certes le mépris des femmes, la phobie de l'individualisme, l'exercice sadique du pouvoir ne sont pas l’apanage de la société nippone mais prennent toutes leurs dimensions et révèlent leur caractère mortifère pour l’individu et leur incohérence philosophique dans une société dominée et donc obsédée par les codes d'honneur de l’ancien Japon impérial - entre autres s'adresser avec stupeur et tremblements à l'empereur - qui se sont mués en carcan moral inculqué dès le plus jeune âge.

Avec une plume simple, vive, amusante mais acérée, Amélie Nothomb y trouve un champ d’investigation à la mesure de son humour léger et décapant et de sa capacité d’auto-dérision ainsi que de son goût marqué pour l’atypique, l'anormal, le difforme, le méchant, l’absurde. Des morceaux de choix quand elle déjante se prenant pour Dieu après plusieurs nuits passées à jouer de la calculette, la volupté masochiste face à sa tortionnaire ou l’échappatoire salvatrice par l'exercice mental de la défénestration.

Mais Amélie reste vivante et réactive et les évènements auxquels elle se trouve confrontée constituent l’occasion pour elle d’une confrontation intérieure.

Mais que l’on ne s’y trompe pas. Il ne s’agit pas d’une peinture manichéenne ou d’une critique raciste de l’empire du soleil levant mais bien d’un pamphlet contre le principe de la camisole morale qui a le mérite de susciter une réflexion sur notre propre société.